entete

DE LA RECHERCHE A LA FORMATION

Nous avons créé ce blog dans l'intention de faire connaître les travaux de recherche en didactique de la géographie. Notre objectif est également de participer au renouveau de cette discipline, du point de vue de ses méthodes, de ses contenus et de ses outils. Plus globalement nous espérons que ce site permettra d'alimenter les débats et les réflexions sur l'enseignement de l'histoire-géographie, de l'école à l'université. (voir notre manifeste)

lundi 22 avril 2024

Faut-il un master pour enseigner ?


La revue Diversité propose dans son numéro 204 La fabrique des savoirs. Le curriculum dans tous ses états des pistes de réflexion sur la conception et la mise en oeuvre du curriculum dans l'enseignement et la formation.

Vous pouvez y lire une interview sur une question assez vive aujourd'hui dans le contexte de réforme de la formation des enseignants :

Sylvain Genevois et Marc Blondeau, « Faut-il un master pour enseigner ? », Diversité [En ligne], 204 | 2024, mis en ligne le 10 mars 2024, URL : https://publications-prairial.fr/diversite/index.php?id=4359


Géo-News, une lettre d'information sur l'enseignement de la géographie

 
Depuis mars 2024, Bénédicte Tratnjek propose Géo-News, une lettre d'information sur l'enseignement de la géographie dans le premier et second degré.  A raison de plusieurs publications par semaine, cette lettre vous informe sur des ressources concernant des thèmes enseignés en géographie, avec en prime la carte et le podcast du jour.


L'occasion de découvrir les ressources proposées par le blog Enseigner la géographie, notamment à travers ses géofiches faisant le point sur des notions importantes à enseigner.


vendredi 19 avril 2024

Compte-rendu de Symposium au colloque des didactiques de l’histoire, de la géographie et de l’éducation à la citoyenneté (Nantes, mars 2024)

Jean-François Thémines et Anne Glaudel 

Compte-rendu de Symposium au colloque des didactiques de l’histoire, de la géographie et de l’éducation à la citoyenneté (Nantes, mars 2024) 

« Articuler des cadres de référence dans les recherches de didactique de la géographie : retours réflexifs sur des pratiques théoriques et méthodologiques peu discutées »

Le symposium était proposé par Jean-François Thémines (Université de Caen Normandie, laboratoire ESO - UMR 6590 CNRS) et Anne Glaudel (Université de Reims Champagne Ardenne, laboratoire CEREP - EA 4692). Il avait pour discutant·es David Bédouret (Université de Toulouse Jean Jaurès, laboratoire GEODE - UMR 5602 CNRS) et Anne-Laure Le Guern (Université de Caen Normandie, laboratoire CIRNEF - UR 7454). Ce symposium se proposait de permettre à des chercheurs en didactique de la géographie de statut différent (doctorants, docteurs, enseignants-chercheurs) d’opérer un retour réflexif sur leurs pratiques d’articulation de cadres de référence en didactique de la géographie. Il s’agissait de créer une occasion d’échanger autour de cette problématique des choix et articulation de cadres de références, importante pour la cumulativité des savoirs dans leur spécialité. Les interventions ont été organisées en trois sessions, faisant se succéder : 

• Benoît Bunnik (PRAG, INSPE de Corse, Université de Corse, Docteur en géographie, laboratoire EMA) : Comprendre la culture en géographie scolaire d’enseignantes du primaire, une réflexion qui dépasse la seule didactique de la géographie.

• Agnès Jung (PRAG, formatrice à temps partagé, INSPE de Reims, doctorante au laboratoire CEREP : Construire un cadre composite pour étudier la dimension didactique de l’activité des professeurs d’histoire-géographie débutants dans la mise en œuvre de l’habiter

• Elsa Filâtre (MCF en géographie à l’INSPE Toulouse Occitanie Pyrénées, GEODE UMR 5602 CNRS) : Mettre l’élève et sa spatialité au centre d’une recherche en didactique de la géographie : quelle articulation possible entre les cadres théoriques nécessairement mobilisés ?

• Philippe Charpentier (MCF en Sciences de l’éducation et de la formation, Cufr de Mayotte) : Interpréter des productions d’élèves en classe de géographie. Entre langages, référentiel commun et analyse de l’activité

• Pierre Colin (MCF Cergy Paris Université, laboratoire EMA) : La multi-référentialité au service de la didactique de la géographie. Exemple d’une recherche centrée sur l’enseignement des frontières en lycée professionnel.

• Sylvain Genevois (MCF en géographie, Université de la Réunion) et Patricia Grondin (doctorante en géographie, Université de la Réunion) : Comment articuler les cadres de référence du numérique éducatif avec ceux de la didactique de la géographie ? L’exemple de l’éducation à la carte et au numérique

• Cédric Naudet (MCF en sciences de l’éducation et de la formation, Université Paris Est Créteil, Laboratoire CIRCEFT-ESCOL) : Retour sur la construction d’une recherche sur la thématique de l’explicitation 

• Anne Glaudel (MCF en sciences de l’éducation et de la formation, Université Reims Champagne-Ardenne, Laboratoire CEREP) et Jean-François Thémines (PR en géographie, Université Caen Normandie, laboratoire ESO UMR 6590) : Le « sujet didactique » : essai d'appropriation d'un concept et perspectives de cumulativité en didactique de la géographie

Voir les résumés des présentations dans ce livret

Les communications et les trois temps de discussion générale ont permis d’interroger les cadres de référence mobilisés dans les recherches en didactique de la géographie, ainsi que des perspectives de cumulativité des savoirs produits dans ce champ de recherche.

La pluralité des cadres de référence mobilisés dans les recherches en didactique de la géographie

Les travaux présentés et les discussions conduisent à constater que la didactique de la géographie n’a pas de « noyau dur » disciplinaire. Ce qui définit ce champ de recherche est sans doute davantage son domaine d’investigation : « la transmission et l’appropriation de façons de penser le monde tel que la géographie le conçoit : « avec la Terre comme référence » (Thémines, 2016, p.99). Les cadres de référence mobilisés par les communicant·es relèvent d’une logique d’emprunts à d’autres champs ou cadres théoriques. Figurent dans le premier cercle, à l’extérieur de la didactique de la géographie, la géographie (sociale et culturelle) et l’épistémologie de la géographie ; l’analyse de l’activité (Clot, Faïta, Saujat) ; d’autres didactiques disciplinaires ou comparées (TACD, Goigoux, Théodile-Cirel). Dans un second cercle : les travaux de l’équipe ESCOL (Charlot, Rochex, Rayou), l’ergonomie de l’activité (Leplat). De façon éparse : des références de psychologie environnementale (Depeau, Ramadier), de psychologie du développement (Piaget), de sociologie/anthropologie de l’enfance, de sociologie (Bourdieu et Passeron), de sociologie du curriculum (Forquin), de pédagogie (Meirieu). 

Pourquoi emprunter à des cadres de référence externes à la didactique de géographie pour construire des problèmes spécifiques à ce champ ?  Une première réponse réside dans l’impossibilité de faire autrement, partant du constat de l’absence d’une théorie unifiante qui alimenterait les programmes de recherche de la spécialité. Deux raisons (au moins) à cette configuration « en archipel ». Les chercheur·es se dotent de cadres adéquats pour questionner des situations ou des états perçus et documentés à partir de leur position de professionnels de l’enseignement et/ou de la formation aux métiers de l’enseignement. Entre similarité relative des situations vécues et circulation de références dans le champ professionnel, certains cadres se trouvent privilégiés. Des chercheur·es peuvent aussi travailler en réseau pour partager des expériences de recherche précédemment constituées de façon individuelle ou au sein de leurs laboratoires qui ont des cultures de laboratoires, où l’encadrement doctoral joue un rôle important de transmission et où le changement de laboratoire implique une acculturation à de nouveaux cadres. 

La question des difficultés induites par le travail d’emprunts de cadres différents a été peu abordée, mais un point de repère important a été posé au sujet des « points d’articulation » ou « nœuds » qui garantissent le mouvement nécessaire à toute recherche et en assurent la direction. La dynamique de la recherche naît de l’ouverture permise par des cadres qui autorisent à se saisir de façon nouvelle d’un « objet ».

Quelques perspectives de cumulativité du savoir en didactique de la géographie

Le symposium a permis de repérer, de façon prospective, des « objets potentiels » de cumulativité au sein de la didactique de la géographie considérée comme une discipline de recherche ou qui tend à se structurer comme telle. En effet, des traits communs peuvent être identifiés dans les travaux présentés et discutés. Les communications présentées conduisent à constater un intérêt partagé pour la manière dont les enseignants répondent au « prescrit » (Jung, Charpentier, Naudet, Glaudel et Thémines), pour la prise en compte du « déjà-là » - cognitif ou expérientiel, scolaire ou non scolaire – mobilisé dans les situations d’enseignement et d’apprentissage de la géographie (Bunnik, Filâtre, Jung, Glaudel et Thémines), ainsi que pour la pluralité des langages ou des formes langagières, orales, écrites, graphiques en jeu dans les situations ordinaires observées les dispositifs de recherche construits (Filâtre, Charpentier, Colin). 

Bernard Walliser (2009) au sujet la question de la cumulativité du savoir en sciences sociales, invite à regrouper et ordonner les objets conceptuels d’un champ de recherche « selon trois niveaux principaux : les données, les modèles et les programmes ». Concernant les données, les communications ont mis en évidence que s’il est impératif de décrire précisément les manières effectives de produire et de traiter les données, cette diversité reste mal connue et peu décrite par les chercheurs, alors qu’elle a sans doute des « effets » sur les résultats présentés.  La cumulativité des données peut s’envisager aussi dans un dialogue avec des chercheurs d’autres communautés en faisant alors le choix « stratégique » d’un concept ou réseau de concepts qui organise ce dialogue. Concernant les modèles, les débats se sont concentrés sur la question de la « généralisation » (statistique / analytique) des conclusions des recherches, importante pour en estimer/argumenter la valeur scientifique des travaux. Les recherches en didactiques en général et dans ce symposium en particulier sont plus proches du deuxième pôle : la généralisation analytique, qui s’inscrit dans un dialogue entre ce qui est observé/inféré/mis en relation dans l’occurrence étudiée et le cadre théorique que l’on s’est choisi pour « instruire » les cas.  Il s’agit donc de se donner les moyens de comprendre, dans une situation donnée, quels enchaînements, mécanismes, tensions, etc. sont à l’œuvre et rendent compte des choix, des comportements, des productions d’un acteur. L’étude du cas, si le cadre sollicité s’avère probant, viendra en étendre le domaine de validité.  

Cette démarche suppose que les données soient produites en ce sens (notamment triangulation, documentation la plus riche possible de chaque occurrence) et que la caractérisation des contextes de construction des données soit précise. Les études contrastives qui cherchent la diversité de terrains et prennent pleinement en compte les contextes présentent un grand intérêt (Genevois et Grondin). Concernant le niveau des programmes,  a émergé des débats la conjecture qu’une grande partie des travaux présentés (et évidemment au-delà de ce symposium) s’inscrivent dans un programme que l’on pourrait qualifier d’ « agir spatial » (Thémines, 2016), au sens où les professeurs, les élèves ou toute autre personne impliquée dans une situation d’enseignement-apprentissage en géographie sont étudiés comme des acteurs (ou des sujets) spatiaux, configurant des espaces pour apprendre/espaces d’apprentissage et des manières d’entrer en rapport (de connaissance) avec autrui par les espaces/thèmes géographiques étudiés. Toutefois, entre un « programme systémique » qui entend éclairer essentiellement les modes de production récurrents d’une discipline conçue de façon holiste, traitant les « acteurs » en agents et un « programme représentationnel » qui prend pour objet la mobilisation des systèmes de pensée (dont la pensée sociale) dans les productions scolaires en géographie, un repérage plus systématique des positions dans ce programme d’agir spatial serait utile à réaliser en didactique de la géographie.

Références utilisées 

Berthelot, Jean-Michel, 2001, Epistémologie des sciences sociales, Paris : Presses Universitaires de France. 

Lahire Bernard, 1996, La variation des contextes dans les sciences sociales. Remarques épistémologiques. Annales. Histoire, Sciences Sociales. 2, 381-407. URL : https://www.persee.fr/doc/ahess_0395-2649_1996_num_51_2_410853 

Thémines, Jean-François, 2016, Propositions pour un programme d’agir spatial : la didactique de la géographie à l’épreuve de changements curriculaires, Les Sciences de l'éducation - Pour l'Ère nouvelle, 4, 117-150. URL : https://www.cairn.info/revue-les-sciences-de-l-education-pour-l-ere-nouvelle-2016-4-page-117.htm 

Tutiaux-Guillon, 2001, Emprunts, recompositions… les concepts et modèles des didactiques de l’histoire et de la géographie. A la croisée des chemins, Perspectives documentaires en éducation, 53, « Quinze ans de recherche en didactique de l’Histoire-Géographie », p. 83-90.

Walliser, Bernard, 2009, La cumulativité du savoir en sciences sociales. Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales. https://doi.org/10.4000/books.editionsehess.20527