"Dehors, j’apprends" - Christine Partoune
Edi Pro, 2019, 254 p, 26 euros
Didactitienne de la géographie reconnue
pour ses différents travaux sur les paysages, Christine Partoune s’attache,
dans cet ouvrage, à montrer les multiples enjeux et bénéfices d’un
apprentissage de l’espace « hors les murs ».
Les propositions contenues dans
le livre se justifient pour l’auteure par la mauvaise alchimie entre un carcan
scolaire certain (on travaille dans une salle de classe et les disciplines sont
traditionnellement cloisonnées) et des évolutions sociétales amenant à la
sédentarité (on joue moins dehors que dedans car le tout numérique n’invite
plus à le faire et en même temps, l’espace, urbanisé, est devenu dangereux,
avec ses chauffards et ses pédophiles). La conséquence se manifeste, chez
l’enseignant, par un paradoxe : on aimerait sortir car on ne doute pas des
bienfaits de la mobilité sur les plans cognitif, psychomoteur et relationnel
mais on a peur de le faire (regard inquisiteur des parents, météo défavorable,
crainte de ne pas gérer le groupe classe).
Les milieux sont pourtant riches
et variés (par élargissement spatial, on trouve : l’environnement
immédiat, le milieu local et les milieux extraordinaires) avec, pour chacun, avantages
et inconvénients, mais surtout de nombreuses pistes d’exploitation. On trouve,
pages 108 et 109, une copieuse liste de « portes d’entrée pour mener des
investigations de terrain » : situation-problème, action, observation
d’un phénomène naturel, mission d’expertise, déambulation libre, immersion,
expression des représentations…avec l’idée forte, pages 56-57, que les
allers-retours sur le même terrain sont tout aussi riches : pour voir les
changements de paysage, pour vérifier une hypothèse ou reprendre une
observation incomplète, pour observer l’évolution d’un phénomène à différents
stades…
L’ancrage de ces démarches trouve
place dans des contenus relatifs à l’environnement, à « l’éducation
relative à/par/pour l’environnement » pour reprendre les pincettes
sémantiques évoquées dans l’ouvrage et qui se justifient par le fait que
beaucoup a déjà été fait dans le cadre de l’éducation non formelle et qu’il
serait bon d’inverser la tendance : attaquer les programmes et la
formation des enseignants, aller vers le « prescrit » et non le
« préconisé ».
Le livre s’arrête également sur
les profils des étudiants, futurs professeurs : ils sont ici décrits comme
des urbains, rurbains, hyperconnectés à l’intérêt fluctuant, aux carences
scientifiques avérées et à la fatigabilité grande en sortie…l’une des causes
est-elle à rechercher tout simplement dans un passé d’élève étant peu/pas
sorti ? Divers dispositifs pédagogiques sont présentés pour justement
répondre à ces manques dont certains sont très détaillés comme
l’apprentissage par le « service communautaire » ou encore
« l’écostage ».
Ce qui ressort de commun à
l’examen de ces dispositifs tient à quelques grands principes qui interrogent
la didactique : les curriculum actuels apparaissent trop fractionnés et ne
permettent pas de construire les choses sur un temps suffisamment long, il vaut
mieux investir dans un minimum de concepts pour les maitriser que de vouloir en
faire trop, la rencontre des enseignants-formateurs de culture « sciences
de l’éducation » et de culture dite « d’éveil » pour reprendre
le terme belge est également souhaitable.
Au final, il s’agit là d’un
ouvrage déjà très agréablement présenté dans sa maquette colorée et aérée mais
surtout riche d’un état de l’art international et de méthodes variées
(observations participantes, enquêtes diverses, recueil de témoignages
d’étudiants…).
On pourra trouver que l’ancrage
sur la dimension nature-géosciences le fait passer à côté de certains pans de
la géographie (tout ce qui touche à la structure de la ville intramuros, aux
mobilités, aux aménagements urbains…) mais c’est ici le choix de l’auteure. On
pourra regretter aussi la (trop ?) grande exigence de l’auteure sur les
conceptions et le raisonnement scientifiques des étudiants futurs enseignants à
qui on ne peut pas trop en vouloir au vu d’une certaine baisse du niveau
général de connaissances…d’autant que l’ouvrage n’apporte pas les correctifs à
ces conceptions erronées.
Enfin, signalons trois coquilles si l’ouvrage est amené à
être réimprimé : p 156, la baie de « Wissant » et non
« Wuissant » dans le Pas de Calais ; p 201, le tableau comporte
deux fois le terme « œuvre » dans l’expression « mise en
œuvre » ; p 174, François Audigier est le didacticien de Genève et
non l’historien de Metz.
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