Julien
Netter
Culture et inégalités à l’école –
Esquisse d’un curriculum invisible
Presses Universitaires de Rennes, 2018,
201 p, 24 euros
Maître de conférences
en sciences de l’éducation à l’Université Paris Est Créteil,
Julien Netter avance dans cet ouvrage l’idée que la culture à
l’école peut amener un bénéfice à l’élève mais qu’elle
est insuffisante s’il n’y a pas, en complément, une certaine
culture de l’école.
Le propos intéressera
les didacticiens de la géographie car la discipline y est convoquée
en exemple par deux fois. Une séance sur la localisation des
principales villes de France en CE2 est convoquée pour montrer de
nombreux implicites, le recours à des outils et du matériel peu
maitrisés (passage d’un type de carte à une autre, correction
difficile des localisations par le biais de l’image satellite), une
volonté de ne pas infléchir le cours de la séance pour les élèves
à la peine. En parallèle est étudiée une séance d’origamis sur
un temps périscolaire. A priori éloignée du champ de la
géographie, cette activité n’a pas été sans similitude :
une grammaire spéciale, un codage, une iconographie…mais une
certaine structuration de l’espace. C’est fort de cette
comparaison que l’auteur amène à parler de « microstructures »
(percevoir et interpréter des signes graphiques, faire des mises en
relation, développer des capacités d’abstraction…) qui,
assemblées, amèneraient à façonner l’activité, son assise
disciplinaire, la « conscience disciplinaire » en somme.
Mais si les finalités de l’origami sont moins légitimes aux yeux
du « système » (enseignants, parents, institution),
elles ne le sont pas pour l’élève.
Citant Jean-Claude
Forquin (2008), Julien Netter revient sur la classification des
curriculum formel/prescrit (les programmes dans leur globalité),
réel (ce qui est effectivement appris ou enseigné) et
caché/implicite (ce qui est transmis sans que cela soit dit
explicitement). Ces catégories étant inadaptées au monde
périscolaire et à cette activité d’origami, l’auteur en arrive
à parler de « curriculum invisible », de l’ordre de
l’implicitement compris par les élèves (et même très exactement
compris pour certains d’entre eux). Mais celui-ci est peu
verbalisé, mesurable chez les élèves performants et pas vraiment
chez les autres, il peut être considéré comme « la façon
dont l’élève doit comprendre et s’approprier » le
curriculum formel, une « fiction utile permettant de construire
un tableau global de l’école ».
La géographie revient
dans un second exemple qui pointe le hiatus entre carte et schéma,
le schéma étant une abstraction qui ne parle qu’à l’enseignant
et à certains élèves seulement. La séance analysée ici dans un
CM1 portait sur les climats et révèle la confusion classique entre
« temps (météo) » et « temps (physique) »
mais aussi une autre entre « climat » et
« climatisation ». L’élève pris dans cette seconde
confusion ne sait pas s’en défaire n’étant pas à l’affut
d’indices permettant une correction comme, par exemple, le recours
à un tableau sur les données de températures préalable à la
réalisation de la carte qui aurait permis de réaliser que le terme
« climatisation » n’était pas le bon.
L’ouvrage gagne en
généralité sur les deux derniers chapitres qui traitent du
« bilinguisme scolaire » à travers l’exemple des
sorties au musée. L’expression recouvre l’idée que l’on
puisse passer d’une logique thématique (comme c’est le cas dans
les sorties au musée) à une logique disciplinaire (ou l’inverse)
pour en tirer bénéfice. Le problème est que ces aller-retours ne
sont pas guidés, ce qui n’aide pas les élèves dont la culture de
l’école est plus fragile. Ils doivent faire les passerelles par
eux-mêmes. Finalement, comme le dit Julien Netter, « la
culture à l’école est vouée à se plier à la culture de
l’école ». C’est aussi du côté de la mise en forme
institutionnel qu’il faut trouver des explications :
l’ouverture culturelle au travers de la formule « visites
clés en main » cloisonne les encadrants et les logiques
thématiques et disciplinaires et n’est finalement pas profitable à
tous.
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