Dans le cadre d’un numéro thématique de la revue Recherches en Didactiques (https://red-revue.univ-lille.fr/), vous êtes invités à soumettre vos contributions scientifiques sur le thème des langages graphiques en particulier en didactique des sciences et de la géographie. Bien qu‘orienté dans ces disciplines, l’appel à communication est également ouvert à des propositions d’autres didactiques et domaines qui pourraient apporter un éclairage intéressant à la question des langages graphiques et de leurs spécificités disciplinaires. L’objectif de ce numéro est de mettre en lumière la multiformité des langages graphiques dans les disciplines scolaires, de réfléchir aux enjeux liés à leur production par les apprenant·es tout en soulignant l’importance d’une formation critique des élèves à ces modes de représentation. En combinant des approches en didactique des sciences et en didactique de la géographie, ce numéro vise à enrichir le débat scientifique sur la place et le rôle de ces langages.
Contexte et enjeux
À l’école, les langages graphiques sont omniprésents, en particulier en sciences et en géographie (cartes, croquis, schémas, dessins d’observation etc.), mais parfois sous-théorisés en didactique, particulièrement en ce qui concerne leur production, notamment par de jeunes élèves (Matalliotaki & Boilevin, 2015). En cela, il est essentiel de questionner les formes et les contextes de construction de ces langages par les apprenant·es. En effet, de nombreux travaux sociologiques (par exemple Bautier, 2015 ; Bautier, Crinon, Delarue-Breton et Marin, 2012) et didactiques (Tiberghien, 2003) montrent que la complexité des supports d’apprentissage et des textes composites peut constituer un obstacle à la compréhension des apprenant·es et contribue à creuser les inégalités scolaires (Viriot-Goeldel & Delarue-Breton, 2014). Comment alors les didactiques peuvent-elles prendre en compte la diversité et la complexité des langages graphiques pour mieux comprendre leur production et leur appropriation par les apprenant·es.?
En didactique des sciences, certains travaux, comme ceux d’Amigues et Caillot (1990) sur les représentations graphiques en électricité, de Mazouze et Lounis (2012) sur les ondes mécaniques, ou encore ceux de Jacobi, Boquillon et Prévost (1994) sur les représentations spatiales des concepts scientifiques, mettent en évidence la diversité et la complexité des représentations graphiques mobilisées en contexte d’apprentissage. De même, les nombreuses recherches concernant les conceptions initiales (e.g. Giordan & De Vecchi, 1990) ou le rôle de la schématisation (e.g. Astolfi, Ginsburger-Vogel & Peterfalvi, 1988 ; Vezin, 1986) démontrent la nécessité d’un enseignement raisonné des normes graphiques, allant de la spontanéité des premières représentations des élèves (Giordan & De Vecchi, 1990 ; Gouanelle & Schneeberger, 1996) à l’appropriation de codes plus formalisés et disciplinaires (Boilevin, 2005 ; Chalmeau & Chalmeau, 2023 ; Morales-Ibarra, 2014).
En géographie, la carte est le mode d’expression du géographe et en tant que langage graphique sa production relève de la sémiotique, de la linguistique et de la psychologie cognitive (Lévy & Lussault, 2013; Thémines, 2016a). En didactique de la géographie, les langages graphiques utilisés en classe procèdent d’une grande variété de documents : croquis, cartes, schémas, dessins, etc. (Philippot & Bouissou, 2007 ; Thémines, 2020) qui se réfèrent à des pratiques scientifiques tout en répondant aux contraintes scolaires d’évaluation et d’enseignabilité. Fonctionnant comme des systèmes d’expression graphique (Fontanabona, 2000), les langages graphiques utilisés ou produits en classe de géographie visent à l’appropriation d’une pensée disciplinaire par les élèves, distanciée d’une perspective objectivante (Audigier, 1995).
Les conditions de la production des langages graphiques se posent en termes de stratégies et de finalités (Mendibil, 2008 ; Thémines, 2016 a, 2016 b, 2020) en lien avec les référents spatiaux (espace représenté, géographique et terrestre), dans leur possibilité de traduire des enjeux de spatialité et des jeux d’acteurs, posant ainsi des enjeux didactiques renouvelés (Fontanabona, 1999, 2000; Thémines, 2016a).
Dans cette perspective, les contributions pourront s’inscrire préférablement dans les axes suivants, construits comme autant de pistes de réflexion sur les enjeux liés à la production des langages graphiques et leur appropriation en contexte d’enseignement-apprentissage.
- Axe 1 : Actualisation des recherches sur les langages graphiques scolaires : Comment les langages graphiques sont-ils intégrés dans les curriculums et les pratiques pédagogiques ? Quelles finalités ces intégrations poursuivent-elles, alors que les évolutions épistémologiques des disciplines de référence entraînent des usages variés et en constante évolution des langages graphiques ? Comment les renouvèlements épistémologiques des sciences de référence questionnent l’utilisation, la lecture critique et la production des langages graphiques en classe ? La place prise par les “éducations à” renouvèle-t-elle les approches didactiques des langages graphiques ? Quels liens peut-on construire (ou non) entre ces évolutions et les pratiques de production des apprenant·es ?
- Axe 2 : Formes et fonctions des langages graphiques en contexte d’enseignement et apprentissage : Quelles sont les formes de langages graphiques les plus mobilisées en contexte scolaire aujourd’hui ? En quoi la primauté du langage verbal à l’école vient influencer l’utilisation et la production des différentes formes de langages graphiques ? Quelle complémentarité entre les différents types de langages utilisés ? Y a-t-il une efficacité spécifique des langages graphiques pour les apprentissages ? Les usages visent-ils plutôt la construction de connaissance ou l’illustration des propos ? Quelles sont les relations entre les pratiques graphiques sociales de référence et les pratiques scolaires ? Quelle est l’influence des normes scolaires ? Quelle place pour les approches interdisciplinaires dans l’enseignement et la production de ces langages graphiques ?
- Axe 3 : Dispositifs didactiques et ingénieries de formation sur les langages graphiques : Quels sont les espaces créés pour permettre la production des langages graphiques par les élèves ? Avec quels leviers, quelles difficultés ? Quels dispositifs mis en place : production spontanée, production individuelle, production collaborative ? Quels processus, dispositifs, ingénieries permettent le passage d’une production spontanée à une production raisonnée ? Quels dispositifs de production facilitent ou font obstacle à la construction de raisonnement ? Quelle place pour les dispositifs de formation à la production de langages graphiques par les élèves ? Quelles sont les spécificités des modes de représentations alternatifs, comme la création de bandes dessinées (Maurice, 2022 ; De Hosson & al., 2022) ? Comment les langages graphiques s’adaptent-ils ou peuvent être adaptés aux différents contextes, par exemple, à travers les dessins enfantins en maternelle (Chalmeau & Chalmeau, 2023), ou à travers des carnets d’exploration libre au musée (Cohen, 2001) ?
Modalités de soumission
Les propositions d’articles sont attendues pour le 15 décembre 2024. Elles doivent être envoyées conjointement aux adresses suivantes : elsa.filatre@univ-tlse2.fr et alain.senecail@unige.ch
Votre texte ne devrait pas dépasser 40 000 signes (espaces compris, bibliographie et annexes comprises). Deux résumés sont demandés, l'un en Français, l'autre en Anglais ou Espagnol, de maximum 700 signes, avec une liste de 4/5 mots-clés (traduits également) ainsi qu’une traduction du titre de l’article en anglais ou espagnol. Pour ce qui est du format, vous êtes invités à vous référer aux recommandations spécifiques à la revue Recherches en Didactiques que vous trouverez à cette adresse : https://red-revue.univ-lille.fr/soumettre-un-article-une- proposition-de-dossier
Calendrier
- Mi-septembre : appel à propositions. Vous avez la possibilité d’envoyer dès l’appel une déclaration d’intention d’une page avec un titre, un résumé et une courte bibliographie. Cette déclaration est facultative et vise à rassurer sur l’adéquation entre le sujet de l’article et la thématique du numéro. Si vous optez pour cette modalité, vous aurez un retour rapide.
- Mi-décembre : Première version à envoyer à l’équipe de coordination
- Fin-février : retour des expertises
- Mi-avril : deuxième version des articles retenus
- Mi-mai : retour de la deuxième expertise
- Mi-juin : version définitive
- Décembre 2025 : Publication du numéro
Pour toute information complémentaire, merci de contacter :
Elsa Filâtre : elsa.filatre(at)univ-tlse2.fr & Alain Sénécail : alain.senecail(at)unige.ch
Références
Amigues, R., & Caillot, M. (1990). Les représentations graphiques dans l’enseignement et l’apprentissage de l’electricité. Eur J Psychol Educ 5, 477–488 (1990). https://doi.org/10.1007/BF03173133
Astolfi, J. -P., Ginsburger-Vogel, Y., & Peterfalvi, B. (1988). Aspects de la schématisation en didactique des sciences. Bulletin de psychologie, 41 (386), 694-700. https://doi.org/10.3406/bupsy.1988.12927
Audigier, F. (1995). Histoire et Géographie : Des savoirs scolaires en question entre les définitions officielles et les constructions scolaires. Spirale - Revue de recherches en éducation, 15 (1), 61 -89. https://doi.org/10.3406/spira.1995.190
Bautier, E. (2015). Quand la complexité des supports d’apprentissage fait obstacle à la compréhension de tous les élèves. Spirale. Revue de recherches en éducation, 55, 11-20. https://doi.org/10.3406/spira.2015.1016
Bautier, É., Crinon, J., Delarue-Breton, C., & Marin, B. (2012). Les textes composites : des exigences de travail peu enseignées ? Repères, 45, 63-79. https://doi.org/10.4000/reperes.136
Boilevin, J.-M. (2005). Apprentissage de règles de schématisation en électricité au collège. Actes du colloque Noter pour penser, Angers, janvier 2015.
Chalmeau, R., & Chalmeau, S. (2023). Du dessin de représentation au dessin d’observation pour découvrir le vivant à l’école maternelle. RDST - Recherches en didactique des sciences et des technologies, 27, 103-130. https://doi.org/10.4000/rdst.4689
Cohen C., (2001) : Quand l’enfant devient visiteur : une nouvelle approche du partenariat Ecole/Musée, L’Harmattan.
De Hosson, C., Bordenave, L., Canac, S., Crépin-Obert, P., & Décamp, N., et al. (2022, novembre). Comptes rendus d’expérience en BD : Mise en œuvre et impact : le projet COMPTREBANDES. 12e Rencontres scientifiques de l’ARDIST, Toulouse, France.
De Vecchi, G., & Giordan, A. (1990). L’enseignement scientifique : comment faire pour que "ça marche" ? Nice : Z'éditions.
Fontanabona, J. (1999). Mieux comprendre comment un élève donne du sens aux cartes. Cahiers de géographie du Québec, 43 (120), 517 -538. https://doi.org/10.7202/022853ar
Fontanabona, J. (2000). Cartes et modèles graphiques. Analyses de pratiques en classe de géographie, INRP.
Gouanelle, C., & Schneeberger, P. (1996). Utilisation de schémas dans l’apprentissage de la biologie à l’école : la reproduction humaine. Aster, 22, 57-86. https://doi.org/10.4267/2042/8646
Jacobi, D., Boquillon, M., & Prévost, P. (1994). Les représentations spatiales de concepts scientifiques : inventaire et diversité. Didaskalia, 5, 11-23. https://doi.org/10.4267/2042/23233
Lévy, J., & Lussault, M. (2013). Dictionnaire de la géographie. Belin.
Matalliotaki, E., & Boilevin, J.-M. (2015). Sous quelles conditions les représentations graphiques externes peuvent-elles favoriser l’apprentissage des enfants d’âge préscolaire ? Revue des sciences de l’éducation, 41 (2), 219-249. https://doi.org/10.7202/1034034ar
Mazouze, B., & Lounis, M. (2012). Les élèves et les représentations graphiques : cas des ondes mécaniques. Étude publiée dans Google Scholar. https://scholar.google.fr/scholar?oi=bibs&cluster=8017589493970290492&btnI=1&hl=fr
Mendibil, D. (2008). Dispositif, format, posture : Une méthode d’analyse de l’iconographie géographique. Cybergeo : European Journal of Geography, [en ligne]. https://doi.org/10.4000/cybergeo.16823
Maurice, J. (2022). Construire une bande dessinée en classe pour mettre en œuvre un raisonnement géographique. Colloque international des didactiques, de l’histoire, de la géographie et de l’éducation à la citoyenneté, GEODE-FRAMESPA-UT2J-INSPE TOP, Mars 2022, Toulouse. 159-183, ⟨10.26147/geode.act.heaw-2g77⟩. ⟨hal-04206071⟩
Morales-Ibarra, G. (2014). L’enseignement et l’apprentissage de la représentation : une étude de cas en maternelle : le "Jeu des Trésors", [thèse de doctorat], Université de Rennes 2. https://theses.hal.science/tel-01366889
Philippot, T., & Bouissou, C. (2007). Les images en géographie : Qu’en font les enseignants et les élèves ? Spirale - Revue de recherches en éducation, 40 (1), 37 -49. https://doi.org/10.3406/spira.2007.1392
Thémines, J.-F. (2016 a). La didactique de la géographie. Revue française de pédagogie, 197, 99 -136.
Thémines, J.-F. (2016 b). Propositions pour un programme d’agir spatial : La didactique de la géographie à l’épreuve de changements curriculaires. Les Sciences de l’éducation - Pour l’Ère nouvelle, 49 (4), 117. https://doi.org/10.3917/lsdle.494.0117
Thémines, J.-F. (2020). Comment des élèves lisent un document composite en géographie. Pratiques. Linguistique, littérature, didactique, 185 -186. https://doi.org/10.4000/pratiques.8416
Tiberghien, A (2003). Chapitre 8. Des connaissances naïves au savoir scientifique. Les sciences cognitives et l'école La question des apprentissages. Presses Universitaires de France, pp. 353-413. https://doi.org/10.3917/puf.coll.2003.01.0353.
Vezin, J.-F. (1986). Schématisation et acquisition des connaissances. Revue française de pédagogie, 77, 71-78.
Viriot-Goeldel, C., & Delarue-Breton, C. (2014). Des textes composites à l’école : nouvelle littéracie scolaire, apprentissages et inégalités. Spirale. Revue de recherches en éducation, 53, 21-31. https://doi.org/10.3406/spira.2014.1046