9h30-10h30 : Avant / Ailleurs
Introduisant le propos,
Jean-Pierre Chevalier (PR émérite en géographie à l’IUFM de Versailles) a présenté des exemples « d’images anciennes pour analyser les espaces d’apprentissages ». Postulant que la forme pédagogique induit la configuration spatiale (et non l’inverse), Jean-Pierre Chevalier a articulé son exposé autour de trois parties : 1/ avant l’invention de l’école (sous l’académie de Platon et l’invention du lycée, l’apprentissage sur le tas, sortir pour apprendre avec l’Emile de Rousseau, le préceptorat, la méthode individuelle d’enseignement au domicile de l’instituteur), 2/ dans les locaux dédiés aux apprentissages (le musée comme lieu de la recherche intellectuelle, les grands locaux pour la méthode mutuelle, le théâtre pour la médecine, la salle en gradins pour la méthode simultanée), 3/ la salle de classe en elle-même (de sa standardisation initiale et son mobilier spécifique aux espaces de e-learning qui en sont la métaphore en passant par les situations en extérieur lorsque le nombre d’élèves ne permet pas de rentrer dans une seule pièce comme au Niger).
Enseignante au collège Jean Vilar de Grigny,
Juliette Perchais s’est questionnée, lors d’une mise en disponibilité, sur « la fausse bonne idée que les espaces d’apprentissages collaboratifs pouvaient constituer en Océanie ». Repensés autour d’une écologie mise au centre (vastes baies vitrées permettant la ventilation et l’entrée de la lumière naturelle, végétalisation, récupération des eaux de pluie…), les bâtiments scolaires visités par l’intervenante en Australie sont pensés, en leur intérieur, autour d’espaces d’apprentissages et non de salles de classe. Impulsé par le ministère de l’éducation, ce choix d’agrandir les salles vise à leur permettre de contenir : 1/ des « coins du feu » (à savoir des lieux d’écoute, resserrés, pour la transmission), 2/ des « grottes » pour le travail solitaire, silencieux où la concertation est nécessaire, 3 /des « points d’eau » pour que les élèves, comme autour d’une oasis, se réunissent afin d’échanger entre eux. Le changement de posture de l’enseignant est nécessaire pour tirer bénéfice de cette configuration spatiale. Aux avantages d’amélioration de la collaboration, de la motivation de la concentration, répondent des nuances à considérer sur le niveau de bruit qui est difficilement accepté par des personnes tenues hors concertation et la formation à apporter à l’enseignant pour que cela fonctionne. Là aussi, l’idée que le changement de pédagogie doit préexister à toute modification des lieux a été posée. Et pourquoi pas en invitant les élèves dans la réflexion de l’aménagement de « leurs » espaces ?
Pour les médecins présentes, et dont il avait été convenu qu’elles apporteraient un regard décentré par rapport à celui des enseignants et chercheurs intervenants, l’histoire au long cours des espaces d’apprentissage est à lire au prisme de l’autonomie des enfants. Les corps sont plus ou moins contraints, le mobilier est ou n’est pas adapté aux enfants. La question des profils spécifiques d’élèves est à prendre en compte aujourd’hui. Les contraintes des espaces d’apprentissages peuvent aussi être appréhendées à partir des densités. La discussion porte ensuite sur les modèles qui inspirent les innovations architecturales scolaires (open space, hôtel, appartement…). Enfin, des consultations auprès d’élèves (dans le cadre de Conseils de la Vie Collégienne et Lycéenne) montrent que les enfants aimeraient surtout réfléchir à la possibilité de lieux hors de la classe, avec les enseignants pour avoir des relations différentes avec eux, et non à du nouveau mobilier.
10h30-11h30 : « Faire » classe
Enseignant en SVT au lycée Dorian à Paris,
Vincent Faillet s’est intéressé à « la classe mutuelle pour voir comment l’espace rencontre la pédagogie ». Définissant la forme scolaire autour de la relation sociale qui existe entre un maître et un élève, structurée sur un temps dédié, un espace spécifique et des règles (Vincent, Lahire et Thin, 1994), l’intervenant en a dénoncé le côté figé notamment en mobilisant des références à l’école des Playmobil où à celle de Harry Potter. Dans sa classe de SVT, ce sont les élèves qui ont pu imaginer l’espace : une rapide « colonisation » de la salle et du tableau s’est agrémentée d’une installation d’autres tableaux sur les murs restants. Trois conditions semblent nécessaires à Vincent Faillet pour que la démarche fonctionne : 1/ repenser la salle comme structure (le hardware), certes mais aussi 2/ repenser les règles et la pédagogie (le software) mais également 3/ la place du numérique. Une analogie avec la célèbre photographie « l’information scolaire » de Robert Doisneau (1956) est posée autour de l’idée que l’école « du futur » n’est autre qu’une numérisation de sa forme ancienne.
A travers une étude longitudinale menée à Lyon La Duchère en 2012,
Anne-Laure Le Guern (MCF en sciences de l’éducation à Caen) et
Jean-François Thémines (PR en géographie à Caen) ont présenté une méthodologie d’enquête par photographies des espaces d’apprentissage en classe ordinaire, en particulier de tableaux, avec des classes de 6ème suivies dans plusieurs salles avec des professeurs différents. La grille de lecture vise à décrire les objets en usage (tableau, affichages, écrits exposés) en situation d’enseignement, à déterminer quelle est la part des professeurs et celle des élèves dans l’appropriation de l’espace de la classe ainsi défini. La photographie est présentée comme un outil maniable, créant une distance suffisante pour limiter l’effet de réel et protégeant la face des enseignants (contrairement à la vidéo). Les intervenants se sont questionnés sur l’idée que le tableau pouvait être ostensoir (présenter les savoirs à apprendre sans permettre aux élèves d’y accéder) ou opérateur (spatial) d’apprentissages. Le tableau peut n’être qu’un parmi un système d’objets, dont les élèves ont la maîtrise, organisée par l’enseignante (cas de la salle d’anglais où il est accompagné d’un planisphère anglophone, de cartes postales de voyages en Angleterre et de règles de grammaire écrites par les élèves). Il peut être aussi le réceptacle des écrits de la seule enseignante (comme dans l’exemple du tableau blanc de la classe de musique dont les cloisons sont utilisées pour afficher des maximes inscrites également par l’enseignante). Finalement, le tableau peut-il être le territoire partagé de l’élève et de l’enseignant ?
Les débats se sont engagés autour de l’idée que la modification d’une configuration spatiale de classe (et de la pédagogie associée) n’était pas toujours simple dans le cadre du rapport aux familles, aux collègues et aux instantes dirigeantes des établissements. Par ailleurs, les enjeux d’appropriation des espaces scolaires, et notamment des murs et cloisons, demeurent vifs, notamment entre professionnels de l’éducation ainsi que le rappelle une cheffe de projet en charge de la conception d’une cité scolaire à Chanteloup-les-Vignes. Des craintes au sujet d’une possible perte de contrôle du groupe classe par l’enseignant dans le cas de configurations de classe trop originales, favorisant trop de liberté ont été posées. En ce cas, le magistral permet toujours de « reprendre la main ». Les élèves renverront toujours aux professeurs la question de leur place institutionnelle : il revient au professeur de décider, même lorsqu’il s’agit de faire que les élèves contribuent à définir comment doit être organisée la salle de classe.
11h30-12h30 : Inclusions
Martial Meziani (MCF en sociologie à Cergy Pontoise) s’est interrogé sur « le rapport des enseignants spécialisés à l’espace » pour cerner « l’influence du contexte d’exercice ». En tant qu’intervenant dans les formations CAPPEI, le chercheur a montré que la dimension spatiale du traitement des enseignants et élèves affectés dans les structures spécialisées étaient loin de n’être que symbolique puisque, matériellement – et historiquement, les bâtiments en sont séparés de ceux accueillant les autres : cas des SEGPA isolées des bâtiments principaux des collèges, cas des ITEP à l’écart des centres-villes. La relégation sociale est bien aussi une réalité spatiale. L’intervenant propose alors la trame d’un programme de recherche qui vise à interroger les mobilités des élèves et des enseignants spécialisés. Puisque décloisonnement il doit y avoir, c’est à l’aune des mobilités que les obstacles, les leviers de changement et les avancées peuvent être lues. Ces mobilités se développent à trois échelles (spatiales/sociales) : 1/ les déplacements au sein de la salle de classe cette, salle étant souvent conçue pour ressembler à toute salle de classe ; 2/ les déplacements entre les différents espaces dans l’établissement… que se passe-t-il dans cette circulation ? ; 3/ les déplacements entre l’établissement et l’extérieur (élèves venant à l’école en taxi).
Julie Duval (coordonatrice ULIS en collège Colette Besson à Paris) s’est, elle, intéressée à l’idée que la salle d’ULIS pourrait être au centre d’un établissement (ce qui n’est généralement pas le cas). Rappelant la différence entre intégration (l’élève doit s’adapter à l’école) et l’inclusion (l’école doit s’adapter à l’élève), constatant la persistance du paradigme intégratif, l’enseignante a également noté que les questions liées au bien-être, au respect des besoins éducatifs particuliers des élèves étaient traitées de manière disjointe par rapport à celles liées à l’espace. Appuyé par des dessins, des entretiens, des plans et des récits dans des cahiers, le relevé de trajectoires d’élèves dans la cour de récréation permet de révéler un autre visage des processus de socialisation des espaces des élèves : la conclusion est que la singularité des parcours n’est pas spécifiquement celle des élèves en situation de handicap. Approfondir la recherche sur les déplacements d’élèves, en situation de handicap particulièrement, permettrait d’éclairer les stratégies spatiales d’élèves en milieu scolaire visant à acquérir davantage d’autonomie.
14h-15h : En classe
Enseignant en CP à l’école Diderot de Gennevilliers,
Benjamin Duluc s’est intéressé à « l’organisation de l’espace-classe » pour en cerner les « enjeux et contraintes pour le corps apprenant ». Ayant pu comparer la configuration en effectif plein et en effectif allégé dans le cadre des classes dédoublées (12 élèves dans 50 m2, c’est environ 4m2 par élève), l’enseignant mobilise sa longue expérience de danseur pour convoquer le rapport au temps, à l’espace mais aussi au mouvement et en arriver au rythme. C’est dans le cadre d’une classe avec une partie où tables et chaises sont alignées, une partie collaborative (ateliers) et un coin regroupement (nommé espace de « soins » avec coussins, aquarium…) que Benjamin Duluc fait classe et dénonce la forte prégnance de la formation initiale et du modèle qui consiste à penser l’activité avant de penser l’organiser de l’espace qui permettra de la mettre en place (quand cette seconde dimension est pensée…). Le rythme dans la classe, dans le faire classe, c’est alors appréhender l’énergie des élèves et en retour la solliciter d’une façon adaptée ; c’est aussi savoir si, quand et comment, avec ces trois espaces dans la classe, c’est le professeur qui décide de passer de l’un à l’autre… ou s’il se laisse entraîner par les élèves dans ces passages.
Pascal Clerc (PR en géographie à l’ESPE de Versailles) s’est lui demandé si la « salle de classe » ne pouvait pas constituer un « objet géographique » à part entière. Rappelant que la géographie scolaire qui est la forme de géographie la plus connue de tous privilégie les grands groupes et les grands espaces (les agriculteurs, les Chinois…) et s’intéresse rarement à l’individu spatialement, Pascal Clerc présente a contrario une géographie des microspatialités, peu connue mais malgré tout variée dans ses angles d’attaque. C’est en comparant la classe avec la plage qu’il est possible d’interroger le rapport au corps, aux émotions, au sensible, à l’espace privé/public ou aux objets justement. La salle de classe, inventée au courant du XIXème siècle, a été pensée comme un système de contrôle (les rangées permettent de savoir qui est où), à l’éclairage latéral (pour les droitiers), à la taille des bancs uniformisée et surtout comme un lieu de rationalisation, d’optimisation de l’espace (environ 1,25 m2 par élève). Les dispositifs tournent autour de « l’autobus » (les rangées favorisant contrôle et rationalisation), les « U » (consommateurs d’espace) et les ilots (permettant la coopération). Même si ces trois formes coexistent et peuvent même s’hybrider, c’est la forme de « l’autobus » qui domine. De quoi s’interroger sur l’inertie spatiale, la cohérence de cette forme avec les pratiques, le peu de prise de conscience de l’intérêt de cette question d’aménagement des espaces scolaires. La classe a trois sens : le groupe, le lieu, ce qu’on y fait. Il apparaît difficile de toucher à l’une des dimensions sans détricoter les autres.
La salle ramène le débat sur la maltraitance qui consiste à ne pas tenir compte des individualités et du confort des uns et des autres, celui des professeurs tout comme celui des élèves. L’une des médecins souligne l’absence de douches dans les écoles tout comme les configurations déplorables de nombreux WC. L’élargissement sur la question de la consommation de l’espace selon la place sociale que l’on occupe est éclairante : la gare du Nord est plus petite que l’aéroport de Roissy alors que celle-ci brasse plus de populations que l’aéroport… mais une population constituée de moins d’élites. Et encore, sans décompter les espaces « classe affaires ».
15h-16h : Des espaces autres
Luc Dall’Armellina (MCF en arts-design à Cergy Pontoise) s’est penché sur la question de savoir « ce que construisent des pairs dans un espace de travail ». A partir d’une enquête CNESCO-IFE de 2017 montrant que 2/3 des établissements scolaires déclarent ne pas avoir de mobilier adapté pour favoriser la modularité des espaces de travail, l’intervenant a considéré cinq entrées : la topographie des lieux d’apprentissages, les dispositions du corps, les modalités pédagogiques, les types de productions générées, les agencements collectifs d’énonciation. Il s’est appuyé pour cela sur un certain nombre de réalisations de plasticiens, en milieu scolaire, interventions ouvrant la voie à des prises de conscience sur l’importance de la dimension spatiale et du corps dans les apprentissages. Par exemple des travaux de la plasticienne et vidéaste Lise Duclaux (voir par exemple : Le temps, c’est quand même de l’espace. URL :
http://liseduclaux.be/blog/?cat=55).
Crystèle Ferjou (conseillère pédagogique dans l’académie de Poitiers) a clôturé la journée sur les bienfaits « d’enseigner dehors avec de jeunes enfants ». Son expérience d’enseignante en maternelle et son intérêt envers la pédagogie par la nature ont légitimé un travail de longue haleine qui a consisté à faire classe dehors le temps d’une demie journée par semaine et ce, toute l’année et par tous les temps. De quoi permettre aux enfants de devenir « des architectes de cet espace », développer leur robustesse, saisir finement les évolutions temporelles et spatiales, répondre au besoin de mouvement, mobiliser tous les sens, laisser s’installer l’ennui qui développe la créativité, le projet de jeu (et donc des règles associées)…Les contraintes sont différentes, inversées parfois : préparation physique et vestimentaire, permettre tout de même des temps et des espaces de regroupement (pour les rituels). L’engagement des parents a été notable, les questions financières (achat de tenues spécifiques) n’ont pas été des obstacles et l’expérience a non seulement perduré après le départ de l’enseignante de cette école mais s’est même étendue aux autres niveaux de classe que la maternelle. La classe du dehors devient aussi un lieu de transmission de gestes intergénérationnels, entre personnes accompagnantes et enfants, qui n’existeraient pas autrement. Une expérience intéressante et motivante dont la transposition dans un milieu urbain ou périurbain mérite d’être interrogée sur la présence de badauds et la dangerosité plus évidente des abords du lieu.
Pour prolonger
- Sur le format de la journée
Il faut souligner l’équilibre trouvé entre les interventions de chercheurs et de « praticiens » qui, tous et toutes, sont à des titres divers en situation de recherche - instituée (doctorats, masters) ou non, mais toujours articulant expérimentations, observations, lectures théoriques, voire pratiques expertes dans d’autres secteurs que l’enseignement. Cet équilibre est délicat et il arrive que par facilité, dans des journées d’étude ou des colloques, on sépare les uns des autres empêchant ainsi tout dialogue fécond. Ici, le choix initial de coupler systématiquement une personne enseignante et une personne chercheur par statut est une réussite. D’une certaine façon, cette réussite témoigne de la robustesse de leçons tirées de l’expérience des espaces, elle-même interrogée ou appréhendée à l’aune de courants de pensée pédagogiques ou rejoignant leurs préoccupations (pédagogie institutionnelle) ainsi que du relatif délaissement des rapports entre espaces et apprentissages, comme objet de recherches en éducation.
- Sur l’espace/les espaces et l’interdisciplinarité
Les situations d’interdisciplinarité ou de pluridisciplinarité autour de la dimension spatiale des sociétés sont maintenant fréquentes : de nombreux laboratoires de géographie incluant d’autres sciences sociales et réciproquement sont maintenant pluridisciplinaires. Certains ont développé des traditions d’interdisciplinarité élargie – avec des sciences de la nature (tel le LADYSS) et d’autres tendent vers ce type de configuration, nécessaire pour appréhender des problèmes complexes aux dimensions inséparablement sociales, biologiques et physiques. Pour autant, les situations d’interdisciplinarité ou de pluridisciplinarité autour des espaces de l’école ou plus largement de l’éducation sont rares. Cette journée en était une avec une représentation de la géographie, des sciences de l’éducation – spécialité elle-même polydisciplinaire - et des arts-design.
L’intérêt méthodologique de ce moment rare a résidé dans le partage et des suggestions de croisements autour de méthodologies diversement ancrées dans les disciplines : méthodologies d’intervention et démarches de recherche-création issues des arts-design ; formes plus classiques d’observation, avec photographies - ce qui n’est pas encore si fréquent dans les recherches en éducation ; production de matériaux par les personnes enquêtées : dessins, cartes mentales et commentaires de ces réalisations par les enfants ; possibilités de parcours commentés pratiqués en géographie et aménagement.
Par ailleurs, le travail pluri- ou interdisciplinaire autour de cet objet partagé que sont les micro-spatialités des apprentissages en milieu scolaire a mis en évidence plusieurs enjeux de conceptualisation autour de : 1/ la prise en compte des mobilités (corps en mouvements, rythmes, co-présences et mises à distance) ; 2/ la question sensible des limites, des frontières et des lieux, des transitions et des passages ; 3/ la prise en compte des échelles (micro-spatialités, jeux d’acteurs et rapports sociaux d’âge, de genre, de classe, institutionnels, etc.) ; 4° la question des objets (origine, statut, fonction, propriétés distinctives) ; 5° celle des régimes de présence des personnes dans les situations observées (quelles traces, quels indices…), etc.
- Sur le passage de la recherche et des expérimentations à la formation
Une question importante soulevée par les interventions tant des chercheurs que des praticiens, est celle de la formation des professeurs – ou d’autres professionnels éducateurs. Le constat partagé – mais cela mériterait une véritable enquête dans les ESPE – est celle d’une faible prise en compte de la dimension spatiale des situations d’apprentissage en formation initiale. Elle serait laissée à l’appréciation des stagiaires, pris entre des formations qui survalorisent la préparation (mise en place d’un scénario sur papier) et des situations de travail où domine l’apprentissage « sur le tas ». Il existe cependant des pratiques de formation en analyse de l’activité où les supports photographiques (produits en recherche ou en formation) sont utilisés pour faire prendre conscience des enjeux spatiaux d’agencement des objets, d’affichages, de mobilité des enfants, etc. ainsi qu’en a témoigné Anne-Laure Le Guern et pour déclencher des discussions professionnelles entre pairs (stagiaires) et avec les PEMF intervenant en formation. La formation est aussi une condition nécessaire à l’accompagnement de changements souhaités dans les architectures et les aménagements d’école et établissements scolaires, tant ce sont les conceptions pédagogiques qui pilotent les usages des espaces pour (faire) apprendre. Enfin, une piste féconde pour la formation, notamment la formation continue, est l’intervention de plasticiens, photographes, vidéastes ou autres artistes ; intervention en établissement, pour autant qu’un projet co-construit entre direction et une partie significative de l’équipe pédagogique existe pour diagnostiquer, révéler, prendre conscience des contraintes exercées sur les corps et chercher, explorer des voies nouvelles…
- Et faire de la géographie à l’école avec tout cela ?
La géographie est aussi une discipline scolaire et, par elle – là aussi avec des formations - il est possible de rendre des professeurs sensibles aux micro-espaces/micro-spatialités dans leur travail et celui des élèves.
APPORTS GÉNÉRAUX, COMPÉTENCES SPATIALES VARIÉES
Au delà des apports en terme de pédagogie et d’apprentissages généraux, que retirer du point de vue de la géographie ? Des compétences spatiales de repérage, de choix d’itinéraires, de lecture de paysage sont développées, c’est évident (pérégrination des élèves dans les espaces scolaires et en milieu naturel) mais l’enseignant en géographie peut-il s’emparer de ces questions pour bâtir certains de ses enseignements et les raccrocher aux programmes sans que cela lui paraisse trop éloigné ? Sans doute mais à la marge.
CONCEPTUALISATION DE LA GÉOGRAPHIE A CETTE ÉCHELLE MICRO
Les grands concepts de la géographie, autour des principales formes et dynamiques, peuvent être toujours investigués autour de ces micro-espaces que sont les tableaux, les salles de classe et les établissements scolaires. Mais ce qui se passe en deçà du local n’est généralement pas exploité par les programmes scolaires, et par suite, peu mobilisé dans l’enseignement (Charre et al., 2003). Ce n’est pas dans les habitudes des pratiques de la géographie scolaire, mais cela est possible (Leroux et Verherve, 2014), même si les élèves peuvent exprimer leur étonnement et leur interrogation : « est-ce qu’on peut dire ma chambre ? ma maison ? »
LES ACTEURS
Travailler sur le rapport de domination entre acteurs dans l’espace est une possibilité, C’est très à la marge des programmes ; mais on peut prendre les acteurs « aménageurs » de ces espaces : architectes, designers, artistes, sous le chapeau introductif des programmes (en tout cas pour le cycle 3) sur la prospective.
DES THÈMES D’ACCUEIL
Le thème 3 du CM2 « Mieux habiter » permet aux espaces scolaires innovants de trouver place dans les sous-thèmes sur la place de la nature par exemple ; le thème 1 du CM1 également sur « les lieux où j’habite » avec l’idée de les « localiser à différentes échelles » (dont la possible échelle micro).