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DE LA RECHERCHE A LA FORMATION

Nous avons créé ce blog dans l'intention de faire connaître les travaux de recherche en didactique de la géographie. Notre objectif est également de participer au renouveau de cette discipline, du point de vue de ses méthodes, de ses contenus et de ses outils. Plus globalement nous espérons que ce site permettra d'alimenter les débats et les réflexions sur l'enseignement de l'histoire-géographie, de l'école à l'université. (voir notre manifeste)

samedi 30 novembre 2024

Dispositif didactique intégrant les images fixes/animées dans l’enseignement du changement climatique en géographie (CR de thèse)


Compte-rendu de thèse : Minerve KWEKEU, 2024, Dispositif didactique intégrant les images fixes/animées dans l’enseignement du changement climatique en géographie et construction des compétences par les apprenants : les classes de 6ème de l’enseignement secondaire général au Cameroun, Thèse de Doctorat en sciences de l’Éducation, filière Didactique des disciplines, Université de Yaoundé I (dir. : Renée Solange Kneck Bidias et Pascal Clerc).

Soutenue le 24 juin, la thèse de Madame Minerve KWEKEU consiste en l’étude de l’appropriation des notions et enjeux du changement climatique et de ses conséquences, par des élèves scolarisés en classe de 6e au Cameroun. Cette étude est menée à l’échelle de quatre lycées et intègre une démarche d’ingénierie didactique. 

La thèse défendue est celle de la plus-value qu’apporte un enseignement mené avec des images fixes ou mobiles pour l’apprentissage du changement climatique en géographie. Cette plus-value concerne des compétences de classement et mise en ordre, de production d’hypothèses et de déduction ainsi que de passage du savoir à l’action. Le travail s’appuie sur six corpus : les textes de programmes, les manuels scolaires de la classe de 6e, des entretiens passés avec des inspecteurs, des observations de cours sur le changement climatique, des auto-confrontations simples de professeurs ayant des pratiques classiques et de professeurs s’étant inscrits dans le dispositif mis au point par la chercheure, des questionnaires pré-test et post-test passés auprès d’élèves choisis dans quatre lycées différents. 

La recherche est motivée par le sentiment que l’éducation à la lutte contre les effets du changement climatique est une priorité insuffisamment traduite dans les faits, alors que le Cameroun est très exposé à ces effets. La thèse s’inscrit dans une démarche de recherche en vue de l’action : le laboratoire, ce sont les classes de géographie de 6e où sont observés en parallèle des cours classiques et des cours qui bénéficient d’un dispositif conçu par la chercheure. 

La première partie, intitulée Problématisation de la recherche, pose le cadre de la recherche et son contexte. Le premier chapitre fait un état des lieux des connaissances sur le changement climatique en s’appuyant sur les travaux du GIEC. L’auteure y souligne que l’UNESCO s’est saisie de la lutte contre les effets du changement climatique à partir des questions d’éducation au développement durable. Changeant d’échelle, elle présente la position difficile de l’Afrique, ensemble de territoires et d’économies fortement exposés aux changements climatiques tout en étant de petits producteurs de gaz à effet de serre. Le Cameroun est présenté dans la diversité de ses espaces et de ses milieux. Les effets spécifiques du changement climatique sont précisés par régions, avec leurs conséquences sur les productions agricoles, halieutiques et donc sur l’économie du pays et les moyens de subsistance de sa population.

Le deuxième chapitre se centre sur la géographie scolaire au Cameroun en la replaçant dans une approche plus générale de la diffusion des savoirs sur le changement climatique. Le contexte camerounais est vu sous l’angle de la diffusion du développement durable, avec une sensibilité accrue d’un certain nombre d’acteurs (exemple de l’Association Africaine pour des Villes Vertes). Pour entrer dans le domaine didactique, l’auteure privilégie une approche par les ressources dont disposent les enseignants. La question centrale de la recherche est posée : quel modèle de dispositif didactique d’usage des images fixes/animées est pertinent dans l’enseignement du changement climatique en vue de favoriser la construction des compétences par les apprenants des classes de 6ème ?  

Le troisième chapitre propose une présentation des programmes actuels de géographie (2014) et une brève histoire de leur évolution (approche par les contenus, PPO, APC). 

La deuxième partie est consacré d’abord aux cadres théoriques de l’intervention éducative (Lenoir) et de l’approche instrumentale de l’activité humaine (Rabardel) et pragmatique de la géographie expérientielle (Leininger-Frézal). Les chapitres suivants présentent le dispositif méthodologique. Il s’agit d’une recherche combinant méthode quantitative et méthode qualitative. Le volet quantitatif comprend des questionnaires élèves (1015) et enseignants (57, puis 7 professeurs enseignant le changement climatique) qui ont pour but de cerner le niveau de connaissances du changement climatique des élèves et les pratiques d’enseignement. Pour le volet d’ingénierie, deux classes de 6e ont été choisies dans chacun des quatre lycées retenus tandis qu’un groupe témoin était soumis à une leçon ordinaire. L’ingénierie didactique avec le groupe test consistait en 1° : une observation et prise de vue dans l’environnement proche du lycée de dégradations de l’environnement ainsi que d’autres éléments en lien avec le changement climatique (sécheresse, feux de brousse, etc.) ; 2°  des échanges entre pairs confrontant leurs observations avec des images projetées à partir d’un vidéo projecteur ; 3° la réalisation d’une carte mentale décrivant les causes et conséquences du changement climatique ; 4° la réalisation d’une activité d’intégration autour des solutions nécessaires à la lutte contre le changement climatique. 

La troisième partie propose les résultats de la recherche. Les enseignants connaissent le phénomène du changement climatique et ont des avis contrastés sur leurs manuels, considérant pour 40% d’entre eux que les documents ne favorisent pas la construction des compétences. La chercheure montre que l’enseignement ordinaire est caractérisé par une faible diffusion de pratiques interactives en dépit du cadrage officiel par l’APC : il y a peu d’activités de haute tension intellectuelle, peu de sorties, peu de mise en action des élèves. Cela constitue un diagnostic utile pour la mise en place d’une formation continuée jugée insuffisante pour l’heure par les enseignants. Concernant les apprentissages, on constate un écart entre le niveau correct de connaissances déclaratives - les élèves ont presque tous déjà entendu parler du changement climatique et deux-tiers environ en donnent une définition correcte - et les difficultés de compréhension de l’objet changement climatique. Comme dans bien d’autres systèmes éducatifs, la formation au raisonnement géographique demeure un enjeu crucial. Enfin, l’ingénierie proposée montre son efficacité dans les limites de l’analyse conduite : elle favorise des activités intellectuelles plus exigeantes de la part des élèves.  

Ambitieuse par son ampleur, inscrite dans une perspective d’apport de la preuve au moyen d’une démarche expérimentale, la thèse de Madame Minerve KWEKEU apporte un éclairage qui doit être médité dans une perspective de comparaison avec d’autres géographies scolaires. Bien des constats qu’elle dresse peuvent sans doute être partagés avec d’autres pays : une formation continuée en manque d’efficacité, des manuels scolaires indispensables mais jugés peu adaptés par les enseignants, des élèves qu’il est difficile de conduire vers la compréhension de la complexité du changement climatique et de ses effets au-delà de la restitution de connaissances. Concevoir une progression dans les apprentissages du raisonnement et de la complexité et développer des perspectives d’analyse critique des images en lien avec le changement climatique (risque d’usage d’images emblématiques pouvant masquer des phénomènes plus préoccupants, repérage et décodage d’images produites par des lobbies climato-sceptiques) sont des objectifs didactiques à poursuivre au Cameroun comme ailleurs. 

CR de Jean-François Thémines


Jury composé de :
Moïse Moupou, professeur, Université de Yaoundé, rapporteur ;
Jean-François Thémines, professeur, Université de Caen Normandie, rapporteur ;
Christine Vergnolle-Mainar, professeur émérite, Université de Toulouse Jean Jaurès ;
Michel Tchotsoua, professeur, Université de Ngaoundéré ;
Pascal Clerc, professeur, CY Cergy Université Paris, directeur de thèse ;
Renée Solange Kneck Bidias, professeure, Université de Yaoundé I, directrice de thèse.  

La thèse est accessible au lien suivant : https://theses.fr/2024CYUN1289 

Deux articles de didactique de la géographie dans Education et Didactique, n°3, 2024 (vol. 18)


Au sommaire de ce numéro de la revue Education et Didactique, revue éditée aux Presses Universitaires de Rennes, dont le projet éditorial est de « repenser les rapports entre les didactiques à l’intérieur des recherches en éducation et de développer les relations entre la didactique et les autres sciences de l’homme et de la société » :

Anne Glaudel et Jean-François Thémines, Conscience disciplinaire et didactique de la géographie : une approche par le sujet didactique
 
Résumé : 
L’article s’inscrit dans le dialogue ouvert par Yves Reuter en 2007 dans cette revue autour du concept de « conscience disciplinaire ». Depuis la didactique de la géographie, ce texte propose une contribution qui a une double visée : mobiliser ce concept pour réinterroger le rapport que les élèves établissent avec la géographie scolaire et poursuivre le dialogue entre didactiques sur la conscience disciplinaire en approchant les élèves en tant que sujets didactiques ayant une dimension spatiale. Des analyses qualitatives de paires de productions d’élèves mettent en évidence des formes de rapport à l’espace, tel qu’il se construit dans le système didactique et/ou hors du système didactique. Ces analyses préluderont à une discussion du concept de conscience disciplinaire à partir du sujet didactique, tel qu’on peut le construire en didactique de la géographie. 
Mots-clés : conscience disciplinaire, sujet didactique, didactique de la géographie, production langagière, étude de cas

Cédric Naudet, Malentendus spécifiques et malentendus transverses dans la géographie scolaire

Résumé : 
L’article propose d’interroger la géographie scolaire au prisme des malentendus socio-scolaires. L’analyse s’appuie sur des observations participantes dans des dispositifs « devoirs faits » en collège et en lycée. Elle amène à distinguer différents types de malentendus relevant tant de dimensions transverses aux disciplines scolaires (attendus littératiés, disciplination, attendus opaques) que de particularités de la culture disciplinaire (raisonnement disciplinaire, exigences des objets de savoirs, identité à engager dans une activité). La typologie distinguée permet une perspective comparatiste et ouvre un nouveau champ d’interrogation pour la géographie scolaire.
 
Mots-clés : géographie scolaire, malentendus socio-scolaires, littératie, disciplination, devoirs faits
 

 

New York et Johannesburg dans les séries télévisées (CR de thèse)

Compte-rendu de thèse : 

Pierre DENMAT, 2024, New York et Johannesburg dans les séries télévisées : analyse géographique et transposition didactique, Thèse de doctorat de géographie humaine, économique et régionale de l’Université Paris Nanterre (dir. : Sonia Lehman-Frisch et Philippe Gervais-Lambony).

Soutenue le 27 septembre 2024  à Nanterre, la thèse de Pierre Denmat est une analyse géographique des représentations de deux métropoles (New York et Johannesburg) construites par des séries télévisées états-uniennes et sud-africaines et de leur réception par des publics de lycéens scolarisés en France (Suresnes), en République Sud-Africaine (Johannesburg) et aux Etats-Unis (New York). 

Pierre Denmat défend l’idée d’une pertinence de ces séries en tant que documents géographiques soutenant une analyse comparée des représentations d’espaces métropolitains qu’elles produisent, de l’intérêt pour la géographie culturelle d’une étude comparée de la réception de ces documents chez des publics différents par leur pays, métropole et quartier de résidence, enfin de la possibilité d’une « didactisation » de ces documents (extraits de séries) pour des apprentissages qui redonnent de la valeur à la géographie enseignée dans les lycées. 

Le travail s’appuie sur trois corpus : 1° les séries télévisées sélectionnées (Gossip Girl, Sex and the city, The Sopranos, Da Brooklyn Way ; Egoli Place of Gold, Rhythm City, Scandal !, Brokke Niggaz) ; 2° les productions d’adolescents scolarisés à Johannesburg, New York et Suresnes (287 dessins et/ou cartes mentales complétés de courts entretiens d’explicitation pour Johannesbourg ; 53 pour New York ; 98 pour Suresnes) ; 3° la documentation réunie par l’auteur lors de ses déplacements à Johannesburg et à New York, en particulier le matériel photographique rapporté et utilisé dans l’écriture de cette thèse. 

Le premier corpus a été constitué en fonction des espaces d’ancrage des séries (représentation d’une certaine diversité de quartiers), de leur date de production (pour observer la représentation de dynamiques métropolitaines) et de leurs possibilités d’usage dans le cadre de l’enseignement prescrit de la géographie en France (thème de la métropolisation). La constitution du deuxième corpus a été tributaire de l’accueil reçu dans les différents contextes, favorable et même enthousiaste à Johannesburg, réservé et corseté par des questions de sécurité et de morale à New York. Les réalisations françaises sont le fait d’élèves de l’auteur qui est professeur en lycée à Suresnes. Le troisième corpus résulte d’une démarche qui a pour fonction de construire une distance face aux représentations produites des deux métropoles. Le chercheur s’est donc rendu (pendant les vacances scolaires) dans ces espaces et y a prélevé des indices visuels de fonctionnements et de pratiques urbaines. 

La recherche s’est nourrie de l’expérience professionnelle de l’auteur, enseignant la géographie et l’histoire en anglais en France. Le point de départ est professionnel : il s’agit d’aiguiser le sens critique des élèves face à des images et sons qu’ils utilisent au quotidien, en s’appuyant sur des séries télévisées et en s’adossant à la géographie comme prisme d’analyse de ces produits culturels (p. 23). La dynamique de la recherche conduit l’auteur vers la mise en forme d’une géographie culturelle des séries télévisées (chapitre 1). Puis, par effet retour, le projet professionnel initial se mue en « une perspective de faire évoluer la géographie scolaire [à l’échelle des enseignements de l’auteur] en dépassant la « vision autocentrée du monde » [qui prévaut dans la géographie scolaire française prescrite] et en proposant [ces séries comme] nouveaux outils pour aborder des territoires « des Suds » mais aussi des territoires « des Nords » en décentrant le regard » (p. 29). 

Intitulée Itinéraires entre une géographie des séries télévisées et un enseignement de la géographie par les séries, la première partie présente le cadre théorique, méthodologique et contextuel de la recherche. Le premier chapitre définit les conditions d’une approche de géographie culturelle des séries télévisées. Le deuxième chapitre fait entrer dans le cheminement de la thèse. On prend tout d’abord connaissance du cadrage que se donne l’auteur, professeur, pour enseigner la géographie au lycée par les séries télévisées (prise en compte des programmes scolaires, questionnements envisagés pour les élèves, possibilité d’usage de cartes mentales et intérêt d’entretiens complémentaires). On le suit dans la mise en place, comme professeur et chercheur, d’une démarche de transposition didactique qui le conduit à produire le savoir de référence (l’analyse géographique de représentations culturelles de métropoles mondiales par les séries télévisées) qui sera l’objet d’une recomposition dans les classes. Ce chapitre se poursuit par la présentation des terrains d’enquête : le « terrain d’essai » qu’a constitué le lycée de Suresnes, les deux autres : celui « central » (p. 134) des établissements d’accueil à Johannesburg, celui « difficile » (p. 160) qu’ont constitué les deux établissements new-yorkais.  

La deuxième partie La géographie de New York et de Johannesburg dans les séries télévisées : réflexions sur les écritures de géographies fictionnelles présente l’analyse des corpus de séries choisies. Le chapitre 3 détaille le processus et les contraintes d’écriture des séries et se sert d’écarts repérés entre espaces représentés dans les séries et espaces observés pour cerner les choix de leurs producteurs. Les résultats montrent une standardisation des représentations d’espaces métropolitains en même temps qu’une focalisation sur les espaces de vie de quelques catégories sociales représentées, plutôt aisées. La comparaison des représentations de New York et de Johannesburg met en évidence la diffusion de formes narratives états-uniennes dans le contexte sud-africain et l’intérêt du concept de fragmentation comme grille de lecture des représentations de ces deux métropoles. La dimension sonore constitue un riche prisme d’analyse (quelles productions de l’industrie musicale ? quels sons de la ville ? quels genres musicaux et quelles évolutions de leur présence dans le temps ?). La dimension linguistique est elle aussi exploitable géographiquement (l’émergence de la « nation arc-en-ciel »). Le chapitre 4 approfondit les analyses pour le cas de New York, montrant comment les séries choisies participent de la construction et diffusion de représentations stéréotypées à destination d’un public mondial. Le chapitre 5 analyse les représentations sérielles de Johannesburg, donnant à voir une métropole émergente (avec une surreprésentation statistique des black diamonds), empruntant des formes aux métropoles des Nords (CBD et quartiers proches : la New York de l’Afrique), mais aussi plus fragmentée que dans les pratiques des habitants en raison de la quasi non-représentation de leurs mobilités (exception de la websérie Broke Niggaz). Le chapitre se termine sur d’intéressantes considérations concernant les évolutions introduites par l’arrivée de Netflix en République sud-africaine (changement de format de séries, représentations de quartiers gentryfiés et d’une Johannesbourg nocturne et festive, traitement de la question de l’insécurité). 

La troisième partie La réception des séries télévisées : un miroir de la fragmentation des métropoles et des apprentissages géographiques des élèves s’attache à la présentation et l’analyse des productions des élèves. Le chapitre 6 étudie la réception des séries télévisées chez des adolescents habitant la métropole représentée. Il montre que, lorsque les adolescents y sont invités (situation d’entretien collectif autour d’un panel de cartes mentales d’élèves), ils sont capables d’une mise à distance des représentations sérielles, tant sur leur contenu (écarts représentations/pratiques personnelles) que sur leur visée (la série comme produit marketing).  Dans le cas de Johannesburg, la réception des séries est mise en lien avec la fragmentation urbaine (méconnaissance réciproque des quartiers). Par des ajouts aux représentations de Johannesburg proposées par les séries, certains élèves montrent une autonomie qui semble aller jusqu’à la « prise de position » (p. 383). Dans le cas de New York, la réception montre des formes d’attachement des élèves à leurs quartiers (Brooklyn, New Jersey). Le chapitre 7 analyse la réception des séries chez des adolescents ne connaissant pas ou peu la ville filmée en croisant les terrains des écoles new-yorkaises, johannesbourgeoises et francilienne. Il apparaît que les élèves projettent leurs propres connaissances de leur ville (ce qu’ils s’en représentent) sur la ville des autres, mais aussi les connaissances qu’ils ont acquis de cette autre ville par mobilité internationale. C’est ainsi qu’apparaissent des différences sociales entre les représentations qu’ont les élèves johannesbourgeois de New York selon qu’ils l’ont déjà pratiquée (catégories aisées) ou pas. En contrepoint, les élèves new yorkais, sans élément de connaissance préalable sur Johannesburg, y projettent une pauvreté et une insécurité que les extraits de série ne montrent pas. L’analyse de la réception des séries par les élèves de Suresnes met l’accent sur un « effet discipline », la culture géographique scolaire des élèves leur permettant de solliciter des concepts qui fonctionnent comme des grilles de lecture. Cette culture scolaire transparaît aussi dans une connaissance préalable de New York abondamment représentée dans les manuels de géographie, bien davantage que Johannesburg. Il faut aussi ajouter un « effet enseignant » ou « effet dispositif », ces élèves ayant bénéficié d’un enseignement conçu par le professeur-chercheur. Le chapitre 8 consiste en un retour d’expérience articulé autour du constat d’une réussite mieux partagée entre les élèves qu’avec des dispositifs d’enseignement classiques et de la construction d’une distance critique des élèves à l’égard des séries. 

Originale par sa dimension comparatiste, convaincante dans sa démonstration de l’intérêt de développer avec des lycéens une approche de géographie culturelle des séries TV, la thèse de Pierre Denmat mérite d’être connue, diffusée et prolongée par les expérimentations didactiques d’autres enseignants. Les programmes de géographie actuels invitent à de telles approches comparatistes autour des modes d’habiter et de la métropolisation. Traiter ces thèmes par une approche critique de séries TV issues de divers pays est un moyen d’en renouveler l’étude tout en rencontrant l’intérêt des élèves. 

CR de Jean-François Thémines


mardi 22 octobre 2024

Les didactiques du français, de la géographie et des mathématiques à la lumière de leurs espaces de publication


Glaudel, A., Plane, S., Roditi, É. et Sido, X. (2023). Les didactiques du français, de la géographie et des mathématiques à la lumière de leurs espaces de publication. Recherches en didactiques, N° 36(2), 15-49. https://doi.org/10.3917/rdid1.036.0017.

Interrogée sur les spécificités de la didactique de géographie du point de vue de ses espaces de publication, Anne Glaudel rappelle qu'elle est néé à partir des années 1980, dans un contexte d’essor des didactiques des disciplines en tant que sciences. A ce moment, des formateurs d’enseignants, géographes en général, ont souhaité investir ce champ de recherche. Micheline Roumégous (2002), dans un ouvrage de référence, a montré que lorsque les IUFM ont fait suite aux écoles normales la question didactique s’est élargie au second degré. Simultanément l’INRP a joué un rôle très important dans le développement de la didactique de la discipline scolaire « histoire-géographie », avec une extension à l’éducation à la citoyenneté. François Audigier et Nicole Tutiaux-Guillon ont structuré à l’INRP un réseau réunissant des chercheurs et des formateurs d’enseignants non chercheurs. Le caractère pluricatégoriel de ces équipes de recherche de la fin de la période de l’INRP peut être souligné et a contribué à la formation à et par la recherche de formateurs des IUFM des années 1990 et 2000 [...] 

Ce qui différencie fortement la didactique de la géographie de la didactique des mathématiques, c’est qu’elle n’est pas structurée comme un domaine scientifique autonome. La didactique de la géographie est portée par un réseau de chercheurs qui sont, soit des géographes affiliés à la 23e section, soit des chercheurs en sciences de l’éducation et de la formation en 70e section et dont les travaux de recherche se situent en didactique de la géographie. [...] aujourd'hui une caractéristique de la didactique de la géographie c’est qu’elle se construit dans le travail commun d’équipes de recherches souvent pluridisciplinaires en termes de sections de rattachement du Conseil national des universités (CNU) et réunies autour d’un objet commun. En France, ces travaux de recherche sont le plus souvent inscrits dans les projets scientifiques de laboratoires pluridisciplinaires travaillant sur l’espace pour ESO, sur l’environnement pour GEODE, ou en didactiques des disciplines au Laboratoire de didactique André Revuz (LDAR), à Théodile-CIREL, ou au CEREP. Ce champ de recherche est également organisé par un travail en réseau de chercheurs rattachés à différents laboratoires et qui ont des centres d’intérêts communs : l’enseignement de la géographie, les apprentissages relatifs à l’espace de sociétés, les « éducations à » (à l’environnement, au développement durable, à la santé), les discours géographiques scolaires, etc. Contrairement aux didactiques des mathématiques et du français, ce réseau n’est pas structuré sur le plan associatif. [...] 

Une autre caractéristique est que cette didactique est une petite communauté en nombre de chercheurs. Dans un numéro thématique dédié à la didactique de la géographie de la revue Les sciences de l’éducation – Pour l’ère nouvelle, Jean-François Thémines, géographe, et Thierry Philippot, en Sciences de l’éducation et de la formation, ont proposé de qualifier la didactique de la géographie de « spécialité » (Philippot et Thémines, 2016). La didactique de la géographie comme spécialité ayant un projet scientifique spécifique, spécialité au sein de la géographie (« didactique » est un mot-clef de la 23e section) et aussi au sein des sciences de l'éducation et de la formation (en relation avec les autres didactiques disciplinaires). [...] 

Concernant les lieux de publication, une particularité très forte par rapport aux didactiques du français et des mathématiques, c’est qu’il n’existe pas de revue spécifique. Vu le nombre de chercheurs en didactique de la géographie, cela serait sans doute difficile, y compris à l’international. Quand on observe les publications des 20 dernières années, on constate que les chercheurs en didactique de la géographie publient dans trois catégories de revues. Une première catégorie est celle des revues de géographie, telles que Cybergéo, Echogéo, Carnets de géographes, Géocarrefour, M@ppemonde, Belgéo, Le bulletin de la société de géographie de Liège ou Les cahiers de géographie du Québec. [...] Les didacticiens de la géographie publient aussi dans des revues de sciences de l’éducation et de didactique comme le numéro 30 de la revue Recherches en Didactiques dédié aux « éducations à » qui réunit des articles de géographes et didacticiens de la géographie. Des articles de chercheurs en didactique de la géographie ont ainsi été publiés, par exemple, dans Education et didactiques, Education et formation, Education et francophonie, Recherches en Didactiques, Recherches en éducation, la Revue française de pédagogie, Les Sciences de l’éducation – Pour l’ère nouvelle, Spirale, Tréma. Enfin, certains travaux sont publiés dans des revues professionnelles qui ciblent un lectorat d’enseignants (du primaire, du secondaire et du supérieur) : L’Information géographique, Géographes associés (publiée par l’AFDG jusqu’en 2006), Historiens et géographes publiée par l’APHG (association des professeurs d’histoire et géographie). [...] 

Une autre particularité c’est que dans les publications des 20 dernières années, beaucoup de textes, qui sont vraiment des textes de référence pour la communauté des didacticiens de la géographie, sont publiés dans des ouvrages collectifs qui constituent une voie de publication en didactique très importante également et qui sont très souvent des ouvrages avec comité de lecture. Peut-être que finalement l’absence d’association et de revue explique ce choix d’adopter plutôt l’ouvrage scientifique collectif. Généralement le Colloque international des didactiques de l’histoire, de la géographie et de l’éducation à la citoyenneté donne lieu à un ouvrage collectif ou à des actes de colloque ayant mobilisé un comité de lecture. Presque la moitié de ces colloques depuis 20 ans ont été suivis de la publication d’un ouvrage chez des éditeurs universitaires variés. Mais ces ouvrages constituent une sorte de collection et d’ailleurs ils reprennent dans leur titre « les didactiques de l’histoire de la géographie de l'éducation à la citoyenneté ». On constate là cette volonté de dialogue entre ces trois didactiques, distinctes, mais proches, c’est aussi une particularité. [...] 

Il y aurait peut-être une autre métaphore qui correspondrait mieux à ce que certains d’entre nous font : la recherche d’espaces de publication que je qualifierais de « frontaliers » dans lesquels publient des didacticiens de la géographie qui sont un peu des « transfrontaliers ». Du fait que les didacticiens de la géographie sont, au départ, situés dans des territoires disciplinaires variés, ils ont des territoires de publications peu unifiés. Comme je l’ai déjà dit, à ma connaissance, les didacticiens de la géographie sont presque tous situés dans des laboratoires de recherches pluridisciplinaires, des laboratoires qui travaillent sur l’espace, du point de vue de la géographie et de la sociologie, sur l’environnement, du point de vue de la géographie dans sa diversité y compris la géographie physique avec des chercheurs qui viennent de sciences expérimentales, de biologie, ou des laboratoires qui sont en didactiques des disciplines ou qui étudient les pratiques professionnelles, etc. De ce fait, il me semble que la didactique de la géographie publie de façon transfrontalière, en faisant la jonction entre des territoires disciplinaires initialement distincts. 


lundi 21 octobre 2024

Comment enseigner la Transition ?

Une conférence sur l'enseignement de la Transition est organisée l’Université Savoie Mont Blanc à Chambéry. Cet événement se tiendra le 25 octobre 2024, de 11h à 12h30, à l’Amphithéâtre Deccottignies, situé au 27 Rue Marcoz, 73000 Chambéry.

Thèmes abordés :

  • Intégrer les enjeux environnementaux liés à la Transition dans les programmes universitaires.
  • Développer des méthodes d’enseignement interactives et hybrides pour aborder ces questions.
  • Formation des enseignants du supérieur pour intégrer ces problématiques.

Cette conférence s’inscrit dans le cadre du projet V-Global, qui propose des stratégies et outils pour un enseignement hybride et interactif sur la transition écologique. Les participants auront l’occasion de découvrir des outils pratiques, comme les excursions virtuelles et des boîtes à outils participatives.

Venez échanger sur les pratiques innovantes pour former les étudiants aux défis environnementaux et à la durabilité.

En savoir plus :

Appel à articles Langages graphiques et production(s) par les apprenant·es

 

Dans le cadre d’un numéro thématique de la revue Recherches en Didactiques (https://red-revue.univ-lille.fr/), vous êtes invités à soumettre vos contributions scientifiques sur le thème des langages graphiques en particulier en didactique des sciences et de la géographie. Bien qu‘orienté dans ces disciplines, l’appel à communication est également ouvert à des propositions d’autres didactiques et domaines qui pourraient apporter un éclairage intéressant à la question des langages graphiques et de leurs spécificités disciplinaires. L’objectif de ce numéro est de mettre en lumière la multiformité des langages graphiques dans les disciplines scolaires, de réfléchir aux enjeux liés à leur production par les apprenant·es tout en soulignant l’importance d’une formation critique des élèves à ces modes de représentation. En combinant des approches en didactique des sciences et en didactique de la géographie, ce numéro vise à enrichir le débat scientifique sur la place et le rôle de ces langages.

Contexte et enjeux

À l’école, les langages graphiques sont omniprésents, en particulier en sciences et en géographie (cartes, croquis, schémas, dessins d’observation etc.), mais parfois sous-théorisés en didactique, particulièrement en ce qui concerne leur production, notamment par de jeunes élèves (Matalliotaki & Boilevin, 2015). En cela, il est essentiel de questionner les formes et les contextes de construction de ces langages par les apprenant·es. En effet, de nombreux travaux sociologiques (par exemple Bautier, 2015 ; Bautier, Crinon, Delarue-Breton et Marin, 2012) et didactiques (Tiberghien, 2003) montrent que la complexité des supports d’apprentissage et des textes composites peut constituer un obstacle à la compréhension des apprenant·es et contribue à creuser les inégalités scolaires (Viriot-Goeldel & Delarue-Breton, 2014). Comment alors les didactiques peuvent-elles prendre en compte la diversité et la complexité des langages graphiques pour mieux comprendre leur production et leur appropriation par les apprenant·es.?

En didactique des sciences, certains travaux, comme ceux d’Amigues et Caillot (1990) sur les représentations graphiques en électricité, de Mazouze et Lounis (2012) sur les ondes mécaniques, ou encore ceux de Jacobi, Boquillon et Prévost (1994) sur les représentations spatiales des concepts scientifiques, mettent en évidence la diversité et la complexité des représentations graphiques mobilisées en contexte d’apprentissage. De même, les nombreuses recherches concernant les conceptions initiales (e.g. Giordan & De Vecchi, 1990) ou le rôle de la schématisation (e.g. Astolfi, Ginsburger-Vogel & Peterfalvi, 1988 ; Vezin, 1986) démontrent la nécessité d’un enseignement raisonné des normes graphiques, allant de la spontanéité des premières représentations des élèves (Giordan & De Vecchi, 1990 ; Gouanelle & Schneeberger, 1996) à l’appropriation de codes plus formalisés et disciplinaires (Boilevin, 2005 ; Chalmeau & Chalmeau, 2023 ; Morales-Ibarra, 2014).

En géographie, la carte est le mode d’expression du géographe et en tant que langage graphique sa production relève de la sémiotique, de la linguistique et de la psychologie cognitive (Lévy & Lussault, 2013; Thémines, 2016a). En didactique de la géographie, les langages graphiques utilisés en classe procèdent d’une grande variété de documents : croquis, cartes, schémas, dessins, etc. (Philippot & Bouissou, 2007 ; Thémines, 2020) qui se réfèrent à des pratiques scientifiques tout en répondant aux contraintes scolaires d’évaluation et d’enseignabilité. Fonctionnant comme des systèmes d’expression graphique (Fontanabona, 2000), les langages graphiques utilisés ou produits en classe de géographie visent à l’appropriation d’une pensée disciplinaire par les élèves, distanciée d’une perspective objectivante (Audigier, 1995).

Les conditions de la production des langages graphiques se posent en termes de stratégies et de finalités (Mendibil, 2008 ; Thémines, 2016 a, 2016 b, 2020) en lien avec les référents spatiaux (espace représenté, géographique et terrestre), dans leur possibilité de traduire des enjeux de spatialité et des jeux d’acteurs, posant ainsi des enjeux didactiques renouvelés (Fontanabona, 1999, 2000; Thémines, 2016a).

Dans cette perspective, les contributions pourront s’inscrire préférablement dans les axes suivants, construits comme autant de pistes de réflexion sur les enjeux liés à la production des langages graphiques et leur appropriation en contexte d’enseignement-apprentissage.

  • Axe 1 : Actualisation des recherches sur les langages graphiques scolaires : Comment les langages graphiques sont-ils intégrés dans les curriculums et les pratiques pédagogiques ? Quelles finalités ces intégrations poursuivent-elles, alors que les évolutions épistémologiques des disciplines de référence entraînent des usages variés et en constante évolution des langages graphiques ? Comment les renouvèlements épistémologiques des sciences de référence questionnent l’utilisation, la lecture critique et la production des langages graphiques en classe ? La place prise par les  “éducations à” renouvèle-t-elle les approches didactiques des langages graphiques ? Quels liens peut-on construire (ou non) entre ces évolutions et les pratiques de production des apprenant·es ?

  • Axe 2 : Formes et fonctions des langages graphiques en contexte d’enseignement et apprentissage : Quelles sont les formes de langages graphiques les plus mobilisées en contexte scolaire aujourd’hui ? En quoi la primauté du langage verbal à l’école vient influencer l’utilisation et la production des différentes formes de langages graphiques ? Quelle complémentarité entre les différents types de langages utilisés ? Y a-t-il une efficacité spécifique des langages graphiques pour les apprentissages ? Les usages visent-ils plutôt la construction de connaissance ou l’illustration des propos ? Quelles sont les relations entre les pratiques graphiques sociales de référence et les pratiques scolaires ? Quelle est l’influence des normes scolaires ? Quelle place pour les approches interdisciplinaires dans l’enseignement et la production de ces langages graphiques ?

  • Axe 3 : Dispositifs didactiques et ingénieries de formation sur les langages graphiques : Quels sont les espaces créés pour permettre la production des langages graphiques par les élèves ? Avec quels leviers, quelles difficultés ? Quels dispositifs mis en place : production spontanée, production individuelle, production collaborative ? Quels processus, dispositifs, ingénieries permettent le passage d’une production spontanée à une production raisonnée ? Quels dispositifs de production facilitent ou font obstacle à la construction de raisonnement ? Quelle place pour les dispositifs de formation à la production de langages graphiques par les élèves ? Quelles sont les spécificités des modes de représentations alternatifs, comme la création de bandes dessinées (Maurice, 2022 ; De Hosson & al., 2022) ? Comment les langages graphiques s’adaptent-ils ou peuvent être adaptés aux différents contextes, par exemple, à travers les dessins enfantins en maternelle (Chalmeau & Chalmeau, 2023), ou à travers des carnets d’exploration libre au musée (Cohen, 2001) ?

Modalités de soumission

Les propositions d’articles sont attendues pour le 15 décembre 2024. Elles doivent être envoyées conjointement aux adresses suivantes : elsa.filatre@univ-tlse2.fr et alain.senecail@unige.ch

Votre texte ne devrait pas dépasser 40 000 signes (espaces compris, bibliographie et annexes comprises). Deux résumés sont demandés, l'un en Français, l'autre en Anglais ou Espagnol, de maximum 700 signes, avec une liste de 4/5 mots-clés (traduits également) ainsi qu’une traduction du titre de l’article en anglais ou espagnol. Pour ce qui est du format, vous êtes invités à vous référer aux recommandations spécifiques à la revue Recherches en Didactiques que vous trouverez à cette adresse : https://red-revue.univ-lille.fr/soumettre-un-article-une- proposition-de-dossier

Calendrier

  • Mi-septembre : appel à propositions. Vous avez la possibilité d’envoyer dès l’appel une déclaration d’intention d’une page avec un titre, un résumé et une courte bibliographie. Cette déclaration est facultative et vise à rassurer sur l’adéquation entre le sujet de l’article et la thématique du numéro. Si vous optez pour cette modalité, vous aurez un retour rapide.
  • Mi-décembre : Première version à envoyer à l’équipe de coordination
  • Fin-février : retour des expertises
  • Mi-avril : deuxième version des articles retenus
  • Mi-mai : retour de la deuxième expertise
  • Mi-juin : version définitive
  • Décembre 2025 : Publication du numéro

Pour toute information complémentaire, merci de contacter :

Elsa Filâtre : elsa.filatre(at)univ-tlse2.fr & Alain Sénécail : alain.senecail(at)unige.ch

Références

Amigues, R., & Caillot, M. (1990). Les représentations graphiques dans l’enseignement et l’apprentissage de l’electricité. Eur J Psychol Educ 5, 477–488 (1990). https://doi.org/10.1007/BF03173133

Astolfi, J. -P., Ginsburger-Vogel, Y., & Peterfalvi, B. (1988). Aspects de la schématisation en didactique des sciences. Bulletin de psychologie, 41 (386), 694-700. https://doi.org/10.3406/bupsy.1988.12927

Audigier, F. (1995). Histoire et Géographie : Des savoirs scolaires en question entre les définitions officielles et les constructions scolaires. Spirale - Revue de recherches en éducation, 15 (1), 61 -89. https://doi.org/10.3406/spira.1995.190

Bautier, E. (2015). Quand la complexité des supports d’apprentissage fait obstacle à la compréhension de tous les élèves. Spirale. Revue de recherches en éducation, 55, 11-20. https://doi.org/10.3406/spira.2015.1016

Bautier, É., Crinon, J., Delarue-Breton, C., & Marin, B. (2012). Les textes composites : des exigences de travail peu enseignées ? Repères, 45, 63-79. https://doi.org/10.4000/reperes.136

Boilevin, J.-M. (2005). Apprentissage de règles de schématisation en électricité au collège. Actes du colloque Noter pour penser, Angers, janvier 2015.

Chalmeau, R., & Chalmeau, S. (2023). Du dessin de représentation au dessin d’observation pour découvrir le vivant à l’école maternelle. RDST - Recherches en didactique des sciences et des technologies, 27, 103-130. https://doi.org/10.4000/rdst.4689

Cohen C., (2001) : Quand l’enfant devient visiteur : une nouvelle approche du partenariat Ecole/Musée, L’Harmattan.

De Hosson, C., Bordenave, L., Canac, S., Crépin-Obert, P., & Décamp, N., et al. (2022, novembre). Comptes rendus d’expérience en BD : Mise en œuvre et impact : le projet COMPTREBANDES. 12e Rencontres scientifiques de l’ARDIST, Toulouse, France.

De Vecchi, G., & Giordan, A. (1990). L’enseignement scientifique : comment faire pour que "ça marche" ? Nice : Z'éditions.

Fontanabona, J. (1999). Mieux comprendre comment un élève donne du sens aux cartes. Cahiers de géographie du Québec, 43 (120), 517 -538. https://doi.org/10.7202/022853ar

Fontanabona, J. (2000). Cartes et modèles graphiques. Analyses de pratiques en classe de géographie, INRP.

Gouanelle, C., & Schneeberger, P. (1996). Utilisation de schémas dans l’apprentissage de la biologie à l’école : la reproduction humaine. Aster, 22, 57-86. https://doi.org/10.4267/2042/8646  

Jacobi, D., Boquillon, M., & Prévost, P. (1994). Les représentations spatiales de concepts scientifiques : inventaire et diversité. Didaskalia, 5, 11-23. https://doi.org/10.4267/2042/23233

Lévy, J., & Lussault, M. (2013). Dictionnaire de la géographie. Belin.

Matalliotaki, E., & Boilevin, J.-M. (2015). Sous quelles conditions les représentations graphiques externes peuvent-elles favoriser l’apprentissage des enfants d’âge préscolaire ? Revue des sciences de l’éducation, 41 (2), 219-249. https://doi.org/10.7202/1034034ar

Mazouze, B., & Lounis, M. (2012). Les élèves et les représentations graphiques : cas des ondes mécaniques. Étude publiée dans Google Scholar. https://scholar.google.fr/scholar?oi=bibs&cluster=8017589493970290492&btnI=1&hl=fr

Mendibil, D. (2008). Dispositif, format, posture : Une méthode d’analyse de l’iconographie géographique. Cybergeo : European Journal of Geography, [en ligne]. https://doi.org/10.4000/cybergeo.16823

Maurice, J. (2022). Construire une bande dessinée en classe pour mettre en œuvre un raisonnement géographique. Colloque international des didactiques, de l’histoire, de la géographie et de l’éducation  à la citoyenneté, GEODE-FRAMESPA-UT2J-INSPE TOP, Mars 2022, Toulouse. 159-183, ⟨10.26147/geode.act.heaw-2g77⟩. ⟨hal-04206071⟩

Morales-Ibarra, G. (2014). L’enseignement et l’apprentissage de la représentation : une étude de cas en maternelle : le "Jeu des Trésors", [thèse de doctorat], Université de Rennes 2. https://theses.hal.science/tel-01366889

Philippot, T., & Bouissou, C. (2007). Les images en géographie : Qu’en font les enseignants et les élèves ? Spirale - Revue de recherches en éducation, 40 (1), 37 -49. https://doi.org/10.3406/spira.2007.1392

Thémines, J.-F. (2016 a). La didactique de la géographie. Revue française de pédagogie, 197, 99 -136.

Thémines, J.-F. (2016 b). Propositions pour un programme d’agir spatial : La didactique de la géographie à l’épreuve de changements curriculaires. Les Sciences de l’éducation - Pour l’Ère nouvelle, 49 (4), 117. https://doi.org/10.3917/lsdle.494.0117

Thémines, J.-F. (2020). Comment des élèves lisent un document composite en géographie. Pratiques. Linguistique, littérature, didactique, 185 -186. https://doi.org/10.4000/pratiques.8416

Tiberghien, A (2003). Chapitre 8. Des connaissances naïves au savoir scientifique. Les sciences cognitives et l'école La question des apprentissages. Presses Universitaires de France, pp. 353-413. https://doi.org/10.3917/puf.coll.2003.01.0353. 

Vezin, J.-F. (1986). Schématisation et acquisition des connaissances. Revue française de pédagogie, 77, 71-78.

Viriot-Goeldel, C., & Delarue-Breton, C. (2014). Des textes composites à l’école : nouvelle littéracie scolaire, apprentissages et inégalités. Spirale. Revue de recherches en éducation, 53, 21-31. https://doi.org/10.3406/spira.2014.1046

Les raisonnements des élèves en géographie

 Le prochain séminaire de la commission "épistémologie, histoire et enseignement  de la géographie" du 

Mercredi 6 novembre de 13h30 à 16h30. 

Les raisonnements des élèves en géographie.

organisé par Sylvie CONSIDERE (maitre de conférences - HDR U. Lille - CIREL)

Les questions sur le monde, qui s‘invitent en classe de géographie, parce qu’elles sont au programme ou parce qu’elles font l’actualité, sont des questions complexes. Leur décryptage nécessite des compétences de raisonnement qui s’appuient sur des savoirs en sciences sociales, mais aussi sur les expériences et les représentations de chacun. Les manières dont raisonnent les élèves sont ardues à approcher. Les intervenant aborderont quelques pistes visant à mieux comprendre comment les élèves abordent une tâche complexe en géographie. 

  • Du raisonnement en classe de géographie au raisonnement géographique en classe de 6ème : Démarche et instrumentalisation -Nicolas Cordray : (INSPE Caen-Normandie)
  • Raisonnements multiscalaire à partir de bandes dessinées - Julie Maurice : (doctorante en didactique de la géographie sous direction C. Leininger -Frezal et C.  De Hosson)

  • Intuition ou réflexion ? Les raisonnements de élèves en situation de production (carto)graphique. - Sylvie Considère : (enseignante chercheure en didactique de la géographie Université de Lille - Cirel)

Les trois présentations (20 minutes) seront suivies de discussions et d'échanges. Le séminaire est ouvert à toutes et tous - il se déroule en ligne. Il est toujours préférable et recommandé  d'être adhérent au CNFG, association qui a besoin des cotisations pour assurer ses missions 


jeudi 17 octobre 2024

L'apport de F. Durand-Dastès à la didactique de la Géographie


Bernadette MERENNE-SCHOUMAKER, « L'apport de F. Durand-Dastès à la didactique de la Géographie », Bulletin de la Société Géographique de Liège, 82 (2024/1) - Varia, 185-191
https://popups.uliege.be/0770-7576/index.php?id=7324

Au départ de quelques articles publiés principalement au tournant des années quatre-vingt dix, nous avons identifié sept grandes idées et/ou recommandations formulées par F. Durand-Dastès pour développer et surtout pour dynamiser l’enseignement de la géographie dans le secondaire. Ces idées et/ou recommandations visent essentiellement le contenu des cours qu’il souhaitait mettre davantage en lien avec l’essence même de la discipline et son formidable apport à la formation des jeunes.

Si l'auteur n'a pas écrit d'ouvrage de didactique, on mesure son apport à l'enseignement de la géographie (du "quoi enseigner" au "quoi faire acquérir")

Introduction

I. Une géographie qui conserve la faculté d'étonnement

II. Une géographie qui devrait susciter le débat

III. Une géographie recentrée sur son noyau dur

IV. Une géographie qui combine le particulier et le général

V. Une géographie qui ne se veut pas exhaustive

VI. Une géographie qui ne rejette pas l'aléatoire

VII. Une géographie proche, mais différente de l'histoire

Conclusion

Bibliographie

vendredi 11 octobre 2024

9 idées reçues sur l’enseignement de la géographie


« 9 idées reçues sur l’enseignement de la géographie ». Sous la direction de Caroline Leininger-Frézal et Sylvain Genevois. Adapt, les éditions du SNES, 2024 (site de l'éditeur).

Résumé

L’enseignement de la géographie, au collège comme au lycée, mérite mieux que les stéréotypes qui sont souvent véhiculés à son égard. Ouverte et évolutive, la géographie enseignée au début du XXIe siècle n’a plus grand chose à voir avec l’image d’une discipline figée et rébarbative basée sur la mémorisation de listes de lieux, de chiffres ou de cartes. Elle est en prise avec les questions vives de notre temps et dialogue avec les autres disciplines. Elle s’appuie sur des outils et des méthodes spécifiques, en étant largement ouverte à des approches interdisciplinaires (rôle notamment des « éducations à »). Cherchant à intégrer les apports de la pédagogie et de la didactique, la géographie scolaire garde une relative autonomie par rapport à la géographie universitaire. On observe cependant une faible porosité entre les travaux de recherche en didactique de la géographie et les pratiques scolaires. C’est ce fossé que le présent ouvrage entend combler en partie.

Ecrit par une équipe d’enseignants, de formateurs et de chercheurs, cet ouvrage s’adresse à un public assez large : étudiants préparant les concours d’enseignement en histoire-géographie, stagiaires ou néo-titulaires entrant dans le métier, mais aussi enseignants ou formateurs confirmés souhaitant renouveler la façon d’envisager le métier d’enseignant d’histoire-géographie, oserait-on dire de « géographie-histoire » sans oublier aussi l’éducation civique ! 

L’objectif de cet ouvrage est de faire connaître les travaux de recherche en didactique de la géographie, mais aussi de participer au renouveau de cette discipline. Il s’inscrit dans le cadre d’une didactique ouverte, utile et pragmatique. Plus globalement, nous espérons qu’il permettra d'alimenter les débats et les réflexions sur l'enseignement de l'histoire-géographie, de l'école à l'université. 

Plan de l'ouvrage

  1. « L’élève n’est pas une page blanche » (Patricia Grondin, Aurore Lecomte et Cédric Naudet)

  2. « La géographie scolaire n’est pas une géographie savante simplifiée » (Corentin Babin et Caroline Leininger-Frézal).

  3. « Faire de la géographie se réduirait à apprendre des lieux » (Julie Maurice et Caroline Leininger-Frézal). 

  4. « La géographie n’est pas la petite sœur de l’histoire » (Corentin Babin, Karine Ferol et Caroline Leininger-Frézal).

  5. « La géographie n’est pas un outil de promotion du territoire national » (Karine Ferol, Aurore Lecomte et Caroline Leininger-Frézal).

  6. « Le document n’a pas seulement une valeur illustrative en géographie » (Benoit Bunnik, Karine Ferol et Sylvain Genevois).

  7. « Traiter et analyser des données numériques en géographie, c’est possible mais cela s’apprend » (Sylvain Genevois et Patricia Grondin).

  8. « La géographie scolaire n’est pas une discipline fermée, elle est nécessairement ouverte au(x) Monde(s) » (Aurore Lecomte et Cedric Naudet).

  9. « On ne zoome pas en géographie, on utilise les échelles » (Benoit Bunnik et Sylvain Genevois). 


« 9 idées reçues sur l’enseignement de la géographie ». Sous la direction de Caroline Leininger-Frézal et Sylvain Genevois. Adapt, les éditions du SNES, 2024 (site de l'éditeur).


9 idées reçues sur l'enseignement de la géographie - Interview de Caroline Leininger-Frézal (Youtube)




mardi 24 septembre 2024

Colloque international « Interroger les marges en éducation et en formation » (14-16 octobre 2024)

4ème rencontre scientifique

Les Journées de la Recherche en Éducation RIICLAS 2024 (14-16 octobre 2024, Saint-Denis de La Réunion) https://jreriiclas2024.sciencesconf.org/

Dans la continuité des colloques « Journées de la Recherche en Éducation-RIICLAS », l’INSPE de La Réunion et les laboratoires ICARE et DIRE accueillent cette 4ème édition, qui se déroulera sur le site de Bellepierre, à Saint Denis de La Réunion.

Pour ce nouvel événement, la question des « marges » en éducation et en formation est investiguée, selon différentes perspectives, afin de prendre appui sur ces innovations qui découlent de situations éducatives plurielles, par les cultures, les langues, l’histoire, plus largement la diversité. 

Les contributions se situent autour de trois axes de réflexion : les représentations et les pratiques en éducation, les ressources pour enseigner et les méthodes d’observations participatives.

Pour les personnes qui souhaitent venir sur place ou assister à distance, merci de vous inscrire d’ici le 7 octobre (inscription gratuite mais nécessaire)

en présentiel : https://enquete.univ-reunion.fr/index.php/315875?lang=fr

à distance, en cliquant sur le ou les liens webinaires sur le site : 

https://jreriiclas2024.sciencesconf.org/data/Programme_RIICLAS_23.09.pdf

Symposium : Normes curriculaires et contextualisation des apprentissages dans les outre-mer français (Modération Pierre-Eric FAGEOL)

  • Les adaptations scolaires : origines et héritages - Pierre-Eric FAGEOL (Université de La Réunion)
  • Les ressources d’accompagnement pour les adaptations de programme à Mayotte : Enjeux scientifiques et didactiques » - Mamaye IDRISS (Université de Mayotte)
  • L’enseignement de la géographie adapté à la Guyane au cycle 3 : l’enjeu des ressources scolaires face à une quête sociétale - Audrey CHAMBAUD-RÉGNIER (Université de Guyane)
  • Du local au global. Quelle vision de la “périphéricité” dans les adaptations de programmes d’histoire-géographie aujourd’hui ? - Sylvain GENEVOIS (Université de La Réunion)

Table ronde : Adaptation et/ou contextualisation : pratiques et débats dans les outre-mer

Pierre-Eric FAGEOL, Sylvain GENEVOIS (Université de La Réunion), Mamaye IDRISS (Université de Mayotte), Amandine TOUITOU (Académie de Guyane), Fabrice SORBA (Académie de La Réunion).

Au plaisir d'échanger lors de cet événement et en vous espérant nombreux et nombreuses


dimanche 22 septembre 2024

Education et durabilité : une nécessaire transdisciplinarité et un étayage par une didactique de la durabilité en vue d’une éducation au politique

 

Education et durabilité : une nécessaire transdisciplinarité et un étayage par une didactique de la durabilité en vue d’une éducation au politique

Jean-Marc Lange, université de Montpellier - Séminaire de rentrée – Master 2 – Lille – 18 septembre 2024

CR de Xavier Leroux

Professeur des universités à Montpellier, Jean-Marc Lange est au départ spécialisé en écophysiologie marine et relate le caractère très transdisciplinaire de l’océanographie. Il s’identifie comme un acteur de la didactique des sciences du vivant et non des SVT qui sont une construction institutionnelle du monde scolaire.

Il faut une responsabilité sociétale de l’éducation et de la formation. Déjà Emile Durkheim s’était penché sur la question en s’attachant, outre à cerner les normes sociales, à essayer de voir comment ces normes pouvaient s’adapter aux différentes générations successives (d’où la nécessaire éducation).

Jean-Marc Lange dresse ensuite un rapide historique de l’enseignement puis l’éducation à l’environnement (EE) jusqu’à l’éducation au développement durable (EDD), en prenant soin de préciser que les visées sont différentes à chaque étape. Actuellement, nous sommes sur une visée de citoyenneté politique (manifestations, grèves du climat, avec présence de personnalités comme Greta Thunberg).

S’ensuit la présentation du terme « anthropocène » issu des géosciences, du géochimiste Vernadski et du géochimiste Crutzen. On transforme la planète et 6 des 9 limites viennent d’être franchies. La question de l’habitabilité de la planète est posée, plus exactement de notre zone d’habilité qui se restreint.

En même temps, les sciences de référence évoluent et l’éducation ne peut pas l'ignorer.

L’enjeu de la durabilité est de prendre en compte la complexité du monde, de co-construire entre sciences et société, de transformer les modes de vie. Méthodologiquement, on cherche l’inter et la transdisciplinarité, des approches globales et intégrées. On hybride sciences de la nature et sciences sociales.

Il y a urgence pour gérer cette bifurcation. Jusqu’aux environs de 2050, on peut encore choisir le chemin qu’il faudrait suivre mais plus on approche de cet horizon, plus les choix se traceront d’eux-mêmes sans action forte.

L’EDD est cruciale. Elle fait partie d’autres « éducations à » qu’on peut nommer « éducations transversales ». Elles sont multiples et les chercheurs doivent dire si les objets de ces éducations sont passagers ou au contraire solidement ancrés.

« Education à » s’oppose à « enseignement de »…mais attention à ne pas être tenté de ne pas rejeter les savoirs et contenus disciplinaires…C’est le « rapport au monde » qui se joue ici et non le seul « rapport au savoir », sachant que le rapport au savoir est aussi un rapport au monde, aux autres et à soi (Bernard Charlot).

Les clarifications curriculaires sont nécessaires : il y a trois registres d’après Jean-Louis Martinand : le registre des missions et des finalités (pourquoi), le registre des stratégies des choix programmatiques, le registre didactique et pédagogique. D’où découlent les balises curriculaires qui reprennent ces axes (Lange et Victor, 2006).

Les finalités sont l’amélioration, l’atténuation, l’adaptation, la transformation…mais attention aux manipulations y compris dans les cours de lycée.

Cela débouche sur une logique de l’action (ce qui rejoint le « learning by doing » de John Dewey), mais c’est insuffisant. Il faut également comprendre les enjeux et s’appuyer sur des contributions disciplinaires (Lange, 2011). Il y a une relative facilité à le faire au primaire du fait de la polyvalence mais au secondaire, on se heurte au cloisonnement des disciplines.

Les « éducations à » constituent une rupture pédagogique : la centration se fait sur les pratiques sociales et non sur les savoirs (qui, gardons raison, restent nécessaires !), un pilotage par des actions participatives, une rupture épistémologique (passer d’un modèle « cumulatif » à une façon de penser les changements et de mener une action politique), une hybridation des savoirs et des démarches intégratives. Nous ne sommes pas sur des savoirs stabilisés, ils sont distribués, mouvants, probabilistes, sous influence (Cardot, 2011), il y a difficulté à dire le vrai du faux.

Il convient aussi de prendre en compte les savoirs locaux, les savoirs traditionnels qui sont riches et il est intéressant de les croiser avec des savoirs académiques. L’exemple de la neige chez les Inuits (qui voient de multiples nuances de blanc) ou de la forêt en Amazonie (qui voient de multiples nuances de vert) montre que les populations locales ont des connaissances plus fines. On a fui ces savoirs vernaculaires par le passé, on les recherche maintenant.

Cela nécessite de tenir compte également de la complexité et de mobiliser des savoirs dans plusieurs disciplines : cela peut passer par des ilots multiréférentiels, des ilots de rationalité ou de légitimité. Les disciplines sont complémentaires. Il faut pour cela favoriser les pratiques contributives et des savoirs contributifs (Joël Lebeaume).

Jean-Marc Lange illustre son propos par un exemple de démarche en Sciences de l’Education et de la Formation autour de l’engagement. Dans l’état de l’art, on retrouve généralement le mythe du désengagement des jeunes (ils ne sont pas véritablement désengagés), le sentiment d’efficacité personnel, la confiance dans les institutions pour agir, les inhibitions fondamentales qui aboutissent à l’éco-anxiété (si l’éco-inquiétude est normale, l’éco-anxiété est inhibitrice). Derrière cela, il y a en réalité plusieurs théories de l’engagement. On peut ainsi rechercher l’établissement d’un indice d’engagement et dégager des figures de l’engagement des jeunes (spectateur réflexif, acteur, paradoxal, auteur, doute…). Jean-Marc Lange montre alors tout l’intérêt des analyses socio-discursives de discours.

Sa conclusion invite à mixer « l’agir » (favoriser les actions participatives), le « comprendre » (conduire des enquêtes d’investigation sur les enjeux) et le « connaître » (faire appel aux disciplines).

Une très belle conférence, limpide et roborative pour cette rentrée 2024-2025 !

A signaler la parution du "Dictionnaire critique des enjeux et concepts des éducations à" (nouvelle édition), co-dirigé par Angela Barthes, Jean-Marc Lange et Céline Chauvigné : https://didageo.blogspot.com/2024/03/nouvelle-edition-du-dictionnaire.html

Références :

Jean-Marc Lange, Patricia Victor. Didactique curriculaire et « éducation à… la santé, l'environnement et au développement durable » : quelles questions, quels repères ?. Didaskalia (Paris), 2006, ⟨10.4267/2042/23954⟩⟨hal-01699624⟩

Jean-Pierre Cardot. Formateurs d'enseignants et éducation à la santé : analyse des représentations et identité professionnelle. Education. Université Blaise Pascal - Clermont-Ferrand II, 2011. Français. ⟨NNT : 2011CLF20010⟩⟨tel-00751865⟩

 

 

mercredi 4 septembre 2024

Journée d'étude "La place du mémoire de Master MEEF dans la formation à et par la recherche pour de futurs enseignants de géographie"

La Commission « épistémologie et enseignement de la géographie » du CNFG, propose une journée d'étude en présentiel 
le mercredi 25 septembre de 9h30 à 16 h30 
à l'Université Paris Cité :

la place du mémoire de Master MEEF dans la formation à et par la recherche pour de futurs enseignants de géographie (premier et second degré), enjeux épistémologiques, didactiques et méthodologiques


Organisée par Frédérique JACOB (MCF - Université de Lille)

Dans une période où la demande est forte pour développer l’enseignement des questions environnementales, notamment en encourageant la continuité des acquis scolaires au premier cycle 
de l’Université (Groupe de travail dirigé par Jean Jouzel 2022) et en développant une conscience forte pour la transition écologique (plan d’action Climat-Biodiversité), la commission « épistémologie, histoire et enseignement de la géographie » est vigilante à donner de la visibilité à la géographie enseignée et à enseigner.

L’angle d’entrée de la journée du 25 septembre retenu est celui des mémoires de Master MEEF, révélateurs de l’articulation entre la demande sociétale, la recherche et l’enseignement. Elle s’interroge sur la conception actuelle des mémoires de Master MEEF et sur une possible harmonisation des pratiques articulant épistémologie, concepts et dimension didactique. L’objectif de cette journée d’étude est double, donner de la visibilité aux mémoires de Master MEEF, en penser les apports pour la formation des enseignants et (re)penser les liens entre la recherche et la formation en facilitant la reconnaissance de la spécificité de la didactique et de son utilité sociétale, par le monde universitaire.

Cette journée s’adresse au plus grand nombre dont les étudiants de Master MEEF (premier et second degré – M1 et M2), tous les encadrants de mémoire de Master MEEF et les enseignants et/ou formateurs de futurs enseignants de géographie.

Téléchargez le programme de la session du 25 septembre 2024

La participation au séminaire en ligne est libre mais pour des raisons pratiques et techniques, pour y participer, l’inscription est obligatoire. cliquez ici (date limite d’inscription le 15 septembre pour une participation : le présentiel est à privilégier mais non exclusif : le lien zoom peut être demandé par mail).


jeudi 29 août 2024

Émanciper ou contrôler ? Les élèves et l’école au XXIᵉ siècle

A signaler, la parution d'un ouvrage de Pascal Clerc qui aborde le fonctionnement des établissements scolaires aujourd'hui sous un angle tout à la fois géographique et pédagogique :

Pascal Clerc, Emanciper ou contrôler ? Les élèves et l’école au XXIᵉ siècle. Editions Autrement. Préface de Philippe Meirieu

« L’école doit-elle protéger du monde et pour cela s’en séparer ? Ou, au contraire, faut-il l’ouvrir aux grands vents du dehors, au monde tel qu’il est ? » Les écoles françaises sont coupées de leur environnement. La peur de l’autre, la culture du risque zéro, la judiciarisation de la société, le tout alimenté par le carburant des faits divers, transforment nos écoles en forteresses. Dans un essai à la première personne, étayé par des entretiens et des observations sur le terrain, Pascal Clerc interroge le fonctionnement concret des établissements scolaires. L’éducation participe d’une forme de resserrement des espaces et des esprits, elle tend à cloisonner, séparer, alors que nous aurions besoin de plus de porosité et de liens. Le contrôle des élèves se renforce sans que les dimensions pédagogique, sociale et politique de ces évolutions soient interrogées. Cette étude inédite de la dimension géographique des établissements éclaire de manière singulière les événements récents qui ont bousculé notre système éducatif.

Voir sur le site de l'éditeur



mardi 27 août 2024

Pour une géographie critique des Jeux olympiques : (més)usages scolaires d’une question d’actualité

Sur son blog "Enseigner la géographie", Bénédicte Tratnjek propose des pistes intéressantes pour sortir du "récit territorial" en géographie à partir d'un exemple d'actualité, les JO de Paris 2024  :

Extrait :

« Je suis assez gênée par les partages que j’ai croisés, qui présentent les aménagements des Jeux olympiques de manière souvent “lisse”, à partir de documents officiels, sans en interroger les conséquences (environnementales et sociales en tout premier lieu), sans penser l’aménagement olympique au-delà d’une description des transformations urbanistiques. Cela me semble révéler une vision plus globale de la place de l’étude de l’aménagement du territoire dans la géographie scolaire : un “récit territorial” sur lequel on ne présente que le discours des acteurs de la décision publique (État, régions, départements, intercommunalités, municipalités, etc.) sans recul. L’État aménage, la géographie scolaire décrit. Pourtant, on est bien loin de ce que proposent les géographes lorsqu’ils réfléchissent à l’aménagement... » 

L'occasion également d'initier les élèves à la cartographie critique à travers la Carte des saccages des JOP 2024 (document distribué en tant que “matériel de lutte” par le collectif Saccage 2024 qui se présente comme “un collectif de sensibilisation, d’organisation et de soutien aux mobilisations anti-JOP“)

Bénédicte Tratnjek (28 juillet 2024). Pour une géographie critique des Jeux olympiques : (més)usages scolaires d’une question d’actualité. Enseigner la géographie. Consulté le 27 août 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/125fq


jeudi 4 juillet 2024

Journée d'étude "Territoires et pratiques de la géographie à l'École : perspectives interdiscipliaires" (vidéos en ligne)

La journée d'étude "Territoires et pratiques de la géographie à l'École : perspectives interdiscipliaires" a eu lieu le 10 juin 2024. Elle était organisée par le groupe de réflexion "Enseigner la géographie à l'école" de l'Inspé de l'académie de Créteil.

PRÉSENTATION

Cette journée d’étude proposait d’investir l’enseignement de la géographie à l’école primaire dans une perspective de lien avec les autres disciplines. Dans le contexte de l’école primaire en effet, la géographie et l’histoire sont considérées comme des disciplines de la polyvalence, ayant un poids dans les organisations de la classe moindre que les disciplines jugées « fondamentales ». Le questionnement de la journée portait donc sur les exercices possibles en géographie, en prenant en compte les recherches actuelles en didactique, les contextes d’exercices professionnels des enseignants et enseignantes. La journée a été également l’occasion d’échanges entre professionnel.le.s débutant.e.s ou confirmé.e.s 

Trois axes ont guidé les réflexions de la journée qui se voulait professionnalisante et à destination aussi des futurs enseignants et enseignantes. 

  • Axe 1 : Les territoires de la géographie scolaire : l’extérieur de l’école et de la classe comme ressource de savoir 
  • Axe 2 : Les pratiques de la géographie : dépoussiérer notre vision de la discipline scolaire 
  • Axe 3 : La géographie : discipline aux connexions multiples : un plus pour l’école primaire 

INTERVENTIONS ENREGISTRÉES

  • Caroline Leininger-Frézal, PU, Université-Paris-Cité, LDAR :  « Former les professeurs des écoles au prisme de la géographie expérientielle »
  • Guilhem LABINAL, MCF, INSPÉ, CY Cergy Paris Université, EMA : « Autour de la sortie de l’ouvrage « Géographie et Pédagogie » (ISTE édition) : l’analyse du vécu de la salle de classe par les Professeurs des écoles stagiaires »
  • Justine Letouzey Pasquier professeure associée, HEP Fribourg : « Explorer son quartier avec des élèves de 5-6 ans »
  • Amandine Chapuis, MCFCFR / ACP - Analyse Comparée des Pouvoirs, Université Gustave Eiffel, Inspé :  « Créer pour appréhender la ville. Retour d'expérience sur une démarche en géographie urbaine à l'école primaire »

Les enregistrements des interventions sont accessibles sur le site de l'INSPE de l'académie de Créteil en dépliant la liste de lecture disponible dans le lecteur.

COMITÉ D'ORGANISATION

  • Pierre BERTHET, Formateur en histoire et géographie, Inspé UPEC
  • Delphine CALLEN, MCF géographie, Inspé UPEC 
  • Laetitia MONGEARD, MCF géographie, Inspé UPEC 
  • Aurore LECOMTE, Formatrice en histoire et géographie, Inspé UPEC 


lundi 1 juillet 2024

La difficile prise en compte de l’expérience spatiale des élèves dans l’enseignement de la géographie au cycle 3 de l’école primaire

Benoit Bunnik, « La difficile prise en compte de l’expérience spatiale des élèves dans l’enseignement de la géographie au cycle 3 de l’école primaire », Éducation et socialisation, 72 | 2024. URL : http://journals.openedition.org/edso/28302

Résumé 

La prise en compte de l’expérience spatiale des élèves en géographie au CM1 et CM2 permet de partir du quotidien vécu et pratiqué des élèves pour leur permettre de comprendre leur rôle d’acteur spatial dans un monde complexe. C’est une des demandes du programme scolaire en vigueur. Or, une grande partie des enseignantes du primaire1 ont des difficultés à intégrer dans leur enseignement cette prise en compte de l’expérience. Cet article vise à montrer et comprendre l’écart qui existe entre le curriculum prescrit et le curriculum réel en s’appuyant sur les représentations d’enseignantes interrogées au cours de l’été 2021. Si l’expérience spatiale des élèves est pensée comme un outil pertinent, celle-ci entre difficilement dans les pratiques de cours d’enseignantes chez qui domine l’idée que la géographie est une discipline de la mise à distance du monde dans laquelle on n’apprend peu à comprendre le rôle des acteurs spatiaux, dont celui des élèves, dans la construction du monde contemporain.


jeudi 27 juin 2024

Les mots-clés des curricula par Dominique Raulin et Joël Lebeaume (juin 2024)

Dominique Raulin et Joël Lebeaume (dir.), Les mots-clés des curricula. Université Paris Cité, 2024.

Ouvrage disponible en open data sur opus.u-paris.fr

La direction scientifique de cet ouvrage a été assuré par Joël Lebeaume et Dominique Raulin ; 24 universitaires y ont contribué, issus de 15 établissements de l'enseignement supérieur de France, de Suisse et du Québec. Cet ouvrage est destiné à un large lectorat : étudiants (master 1 et 2, doctorat), enseignants-chercheurs, responsables de l'éducation, enseignants de l'enseignement scolaire, parents d'élèves... : dans le contexte éducatif actuel chamboulé par internet et à court terme l'intelligence artificielle, il semble important de faire un point sur les recherches en didactique et en sociologie sur les curricula.

Résumé

Qu’est-ce qu’un curriculum d’éducation ou de formation ? Quels sont leurs liens avec des programmes, plans d’études, référentiels ? Quels sont leurs composants, leurs contenus, leurs modalités de mise en œuvre et leurs évaluations ? Quelles sont leurs relations avec les disciplines, les éducations à… et les dispositifs ? Comment sont-ils élaborés ? Quelles sont leurs morphologies ? Comment sont-ils pris en charge et utilisés par les acteurs ?

Voici différentes questions traitées dans cet ouvrage qui regroupe des textes inédits de 24 universitaires qui ont accepté de fédérer leurs travaux de recherche sur les curricula. Ils sont issus de 14 établissements universitaires de l’espace francophone. Cette double diversité de spécialité et de situation géographique assure à cet ouvrage l’équilibre nécessaire à la compréhension des curricula, la rigueur scientifique des écrits le préservant aussi de tout penchant doctrinaire ou militant. Il vise l’appropriation des concepts, des problématiques de recherche et des méthodologies d’investigation des curricula en portant une attention privilégiée aux contenus, tout en croisant cette perspective didactique avec des points de vue sociologiques, historiques, politiques et anthropologiques.

Dans un contexte où les sociétés occidentales sont bousculées dans leurs certitudes venues d’un autre temps, aussi bien par les innovations technologiques que par leurs évolutions internes, Les mots-clés des curricula met à la disposition d’un lectorat varié (étudiants, enseignants, chercheurs, responsables politiques, citoyens) une présentation claire d’un large éventail des éléments qui constituent les curricula et qui permettent d’en comprendre la complexité et les conditions de leur conception et opérationnalisation.


lundi 24 juin 2024

Quand le récit permet de penser l’espace – La carte comme objet complexe pour rendre compte d’une mise en ordre du monde

Séminaire doctoral « Disciplines, disciplinaire, (dé)disciplinarisation », session « Par-delà les disciplines ? Penser les interactions entre dispositifs et curriculum », laboratoire CIREL-Theodile, Lille, 19 juin 2024

Maître de conférences HDR en didactique de la géographie, Sylvie Considère introduit son propos en définissant la discipline comme un processus de découpage des savoirs mais également comme un mode de socialisation.

La géographie se nourrit d’une géographie scientifique (avec ses concepts, des démarches et une complexité) et d’une géographie scolaire (fortement axée sur les études de cas, la démarche inductive mais qui subit une forte simplification). Or le monde est complexe et il n’est pas disciplinaire.

C’est via le projet Géodusocle qui compte des chercheurs de diverses académies et qui ambitionne de voir comment se forgent les acquis scolaires en géographie que Sylvie Considère se propose de saisir des traces de récit dans les cartes, travaux qu'elle a mené avec Jean-François Thémines, professeur à l'Université de Caen.

L’ancrage théorique mobilise les concepts de discipline scolaire (un objet complexe et fragmenté), de sujet didactique (qui produit des contenus en contexte, qui occupe différentes positions comme « élève en classe » ou « acteur socialisé dans d’autres sphères d’apprentissages), de contenus (« disciplinaires » mais aussi « passagers clandestins » non explicitement enseignés), de géographie scolaire (qui est poreuse à des manières de penser l’espace).

Tout cela renvoie à des représentations (géographicité), aux imaginaires, à la secondarisation, au contexte, aux malentendus cognitifs (favorisés par des consignes peu claires parfois), au raisonnement.

Quels attendus ? En cycle 2 : se repérer dans l’espace et en comprendre l’organisation. En cycle 3 : caractériser, penser l’espace. En cycle 4 : raisonner géographiquement.

L’échantillon compte des élèves de CM mais également de collège et ce, de divers types de territoires.

L’idée est de saisir des données comparables, de voir si des savoirs géographiques indépendants des leçons peuvent émerger, si on peut réellement amener les élèves à faire de la géographie.

Le protocole demande d’aménager une île (fond de carte) pour qu’on puisse y vivre et comprendre ce que l’élève a voulu représenter.

Ce sont 1022 cartes mixant différents types de vue qui ont été analysées.

Comment dès lors y repérer du récit ?

Pour qu’il y ait récit, il faut une narration, une représentation d’un évènement, une création ou réinvention du monde, une fiction qui crée des mondes possibles, une définition d’une quête ou une transformation d’un état à un autre. La carte construit un discours, elle raconte l’histoire collective des sociétés, elle est un territoire de référence au sujet à partir duquel le discours est construit. Le récit cadre la vie quotidienne, le récit n’est pas dans les programmes de géographie (mais en histoire, il l’est), le récit est un passager clandestin de la géographie à l’école.

Une hypothèse est que certains élèves mettent à distance le contexte disciplinaire de la tâche et s’appuient sur des contextes de pratiques. D’autres effacent cette histoire et font une lecture de la tâche.

On ne s’attend pas à ce que la dimension narrative de la carte soit primordiale.

Le récit contient de l’action (du mouvement, des transports en circulation, des personnages ou animaux en activité).

Un sous corpus (environ 600 cartes) a émergé pour tenter d’y voir des traces résiduelles de récit, des traces affirmées du récit, une carte-récit.

Quatre propriétés peuvent être définies :

  • une dimension personnelle d’appropriation du contexte de production,
  • une dimension scolaire d’appropriation du contexte de production,
  • une cohérence,
  • un usage des langages graphiques.

L’appui peut se faire sur des références personnelles ou des éléments de géographie scolaire.

La cohérence peut se révéler faible (des juxtapositions) ou forte (la synthèse est atteinte, il y a une mise en intrigue).

Le volet graphique montrera des fonctions d’illustration, d’ancrage, de structuration.

Le récit se retrouve dans les cartes à hauteur de 45 %. Il est fort présent chez les plus jeunes élèves.

Les cartes apparaissent des objets complexes, des imbrications de savoirs scolaires et de savoirs extérieurs mais la géographie scolaire n’en tient pas compte. Ces cartes rendent compte d’une certaine interprétation de la consigne. Elles témoignent d’un discours construit dans un langage composite.

Les cadres théoriques multidisciplinaires sont légion. Ils croisent les disciplines et les registres de savoirs.

Pour aller plus loin, on pourra consulter :

Bédouret, d., Thémines, J.F., Glaudel, A., Genevois, S., et Grondin, P. (2022). L’imaginaire des élèves en géographie à l’école et au collège. Cybergeo : European Journal of Geography. https://doi.org/10.4000/cybergeo.39252

 

Géodusocle (équipe de recherche collective), « La géographie apprise à l’école et au collège : quelques clés de lecture à partir d’une recherche conduite dans plusieurs académies », Géoconfluences, mai 2022



samedi 15 juin 2024

Les écoles, leurs professeurs et le territoire – Guide pour une approche monographique (CR d'ouvrage)

 

Les écoles, leurs professeurs et le territoire – Guide pour une approche monographique

Jean-François Thémines (dir)

Chronique Sociale – 2024 – 155 p – 14 euros

Au cœur des préoccupations éducatives, le territoire est rarement mobilisé dans la fonction même de professeur des écoles. Il y a pourtant de nombreux enjeux à aborder la dimension spatiale de l’Ecole et des écoles ne serait-ce que dans un souci de justice spatiale. C’est par le prisme de la professionnalisation des futurs professeurs des écoles, notamment dans le cadre d’une formation à la recherche et par la recherche que Jean-François Thémines, professeur des universités en géographie à l’INSPE-Université de Caen, a choisi d’aborder cette question en rendant hommage à des travaux de mémoire de cinq de ses étudiantes (dont l’une a même choisi de poursuivre en doctorat).

Le chapitre 1 s’intéresse à la caractérisation de l’école (les écoles) comme objet géographique. Où est-elle ? Quels acteurs gravitent en son sein et autour d’elle ? Comment peut-on la qualifier ? Ce sont 4 axes qui permettent déjà de la cerner : un axe paysager (qui s’intéresse aux types de construction, au lieu d’implantation, à la taille de l’édifice, aux équipements, à l’insertion dans le maillage politique existant), un axe fonctionnel (on y lit ici les apprentissages, la socialisation des enfants, la formation professionnelle, la familiarisation des parents ou encore l’action de la commune), un axe environnemental (quelles sont les ressources éducatives locales ? la territorialité des acteurs de l’éducation, l’attractivité des postes, le contexte sociodémographique de l’école souvent mesuré par l’IPS), un axe politique (l’école est un lieu de projet sur l’espace communal, un espace de mise en œuvre locale des réformes nationales, un espace d’investissement politique local, un espace de mobilisation). L’école et le métier de professeur des écoles sont fondamentalement liés au territoire, notamment via les projets éducatifs de territoire. Dans les pratiques, les limites (un enseignant = une classe = une salle) sont bien plus floues (cas du dispositif « plus de maîtres que de classes » générant le co-enseignement, classes « hors les murs »). Se pose aussi la question de l’inégalité/iniquité et justice spatiale au travers de la répartition des ressources éducatives et de leur accessibilité.

Le chapitre 2 présente la méthodologie de la monographie vue comme un « outil d’accumulation dynamique et de transformation du matériau empirique » permettant de se projeter. On y décrit, on y organise et on y thématise ce qu’on voit et ce que l’on récolte. On passe du rôle de spectateur à celui d’enquêteur dans le contexte de transformation identitaire à l’œuvre quand l’enseignant débutant commence à s’immerger dans le métier. De manière plus précise, le contexte était celui d’un atelier de recherche voulant éprouver cette méthodologie. Le but était de cadrer statistiquement et géographiquement les écoles où officiaient les étudiantes et de rédiger entre 15 et 30 pages d’analyse une fois la problématique dégagée. Quatre moments se succédaient : 1/ Voir quelque chose (les abords de l’école au travers des mobilités et des limites, la pratique avec et sans guidage, une visualisation croisant les points de vue), 2/ Identifier un système pour cerner des relations (susciter des entretiens, récolte des productions non verbales, croiser les sources…), 3/ Problématiser l’objet (le changement de lieu de stage a permis une plus ou moins grande continuité de la réflexion et a déterminé une décision de travailler sur tel ou tel sujet), 4/ La production de catégories intermédiaires propres à soi (intermédiaires car ne portant que sur une école, car n’étant pas éprouvées par la communauté des chercheurs).

Les chapitres suivants ont été rédigés par les étudiantes en master MEEF 1er degré avec comme terrains d’étude, des écoles du Calvados (trois par étudiante sauf pour le chapitre 6 où il n’y a eu qu’une seule école, le terrain étant plus complexe).

Traitant de la fabrique locale du territoire, le chapitre 3 confronte une équipe pédagogique n°1 amère qui pense que la mairie ne fait pas assez mais qui, dans le même temps, n’est que peu soudée. Les postes y sont difficiles à obtenir (territoire côtier prisé) et la moyenne d’âge est assez haute. Le territoire n’est que peu investi comme une ressource éducative. Dans le second cas, l’école propose un moins bon contexte initial mais affiche une équipe s’entendant mieux et qui a également de bonnes relations avec les élus locaux. On lit déjà l’idée que le confort semble enfermer et que les conditions de travail plus difficiles forcent à l’inspiration et au partage. La taille de l’école joue également : une configuration étriquée et minimaliste pousse également aux échanges. La troisième école permet de consolider la comparaison : une école rurale à cheval sur deux sites (un pour le cycle 2 et un pour le cycle 3) avec un seul directeur qui fait efficacement la navette entre les deux.

Le chapitre 4 s’intéresse à la coéducation au travers l’idée que la collaboration avec des parents partenaires ne va pas de soi. En REP, il y a déjà des initiatives (café des parents, semaines de parents, des moments jeux de société) et une stabilité de l’équipe. Mais même distantes d’un seul kilomètre, deux écoles peuvent afficher des ambiances très différentes. Une fusion d’école peut faire naître des « micro-climats ». Se pose la question des allophones et de leur forte mobilité qui n’aide pas à pérenniser la coéducation.

Le chapitre 5 traite de la diversité architecturale des écoles rurales qui souhaitent finalement « casser » le modèle communal historique. Cinq critères sont retenus (durabilité, accessibilité, lien au numérique, ouverture sur les acteurs et sécurité). Il y a beaucoup de variations des apprentissages dues aux bâtiments et à leur agencement. Il y a des stratégies communales pour afficher leur école comme « vitrine » afin de garder de l’attractivité. La professionnalité des professeurs des écoles est particulière en zone rurale et il peut y avoir un effet contre-productif au RPI (dans l’exemple, il est moins investi par les enseignants sur les ressources locales que les deux autres écoles).

Le chapitre 6 ne concerne qu’une école mais riche de dispositifs (CP dédoublé, ULIS, CHAT, DAR…). En ce sens, elle affiche une spécialisation fonctionnelle des espaces et elle est parcourue par de multiples intervenants en complément des enseignants réguliers. C’est une école repère pour les familles avec une équipe stable et soudée.

Le chapitre 7 aborde les inégalités d’accès aux ressources éducatives. Elles sont affectées par des effets de lieu (mais qu’il convient d’analyser à des échelles différentes notamment intra-urbaines car de fortes différences selon les quartiers peuvent se faire sentir) et des effets de classe qui peuvent justement compenser positivement des effets de lieu défavorables et des effets de mobilités qui sont fonction de la desserte en transport.

A l’issue de ces portraits, Jean-François Thémines dresse une synthèse dans le chapitre 8. Il en ressort que l’équité territoriale est difficile à atteindre d’où la recherche de seuils pertinents : la démultiplication des plans d’observation de l’espace (photographies variées, bien plus que les vues générales des bâtiments), matérialité des composants de l’espace montrant des limites d’accès, configurations localisées qui influencent le renforcement ou l’atténuation des réalités).

L’école peut être le pôle central de l’espace communal, elle est investie par les élus et les parents comme une vitrine. Elle peut structurer un espace local en mutation dès lors qu’il y a bonne connaissance des partenaires et des diagnostics. Ou alors, il y a déficit de force structurante, on laisse faire le sort et on investit peu le local. Parfois pire encore, les inégalités se creusent davantage, différentes tensions ont toujours cours.

La distance peut être vue comme physique mais également sociale, symbolique et relationnelle.

En définitive, nous avons là un contenu qui apportera sa pierre à l’édifice général de la géographie de l’Ecole. Pris sous l’angle méthodologique, le propos pourra dépasser le seul cadre du Calvados où cette réflexion sur la monographie pourrait s’étendre à d’autres territoires pour multiplier ces portraits d’école. Riche de figures, surtout les schémas synthétiques présents à la fin de chaque chapitre, l’ouvrage montre également une belle écriture de la part d’étudiantes à ce niveau du cursus. Dans une période où on veut encore avancer le concours et le simplifier davantage, il est très agréable de lire des écrits de cette qualité. C’est aussi l’adossement à la recherche, lui aussi menacé et à défendre, qui a permis de telles circulations structurantes entre formateur et étudiantes.

CR d'ouvrage : Xavier Leroux, 15 juin 2024