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DE LA RECHERCHE A LA FORMATION

Nous avons créé ce blog dans l'intention de faire connaître les travaux de recherche en didactique de la géographie. Notre objectif est également de participer au renouveau de cette discipline, du point de vue de ses méthodes, de ses contenus et de ses outils. Plus globalement nous espérons que ce site permettra d'alimenter les débats et les réflexions sur l'enseignement de l'histoire-géographie, de l'école à l'université. (voir notre manifeste)

jeudi 29 août 2019

CR de lecture: Culture et inégalités à l’école – Esquisse d’un curriculum invisible

Julien Netter

Culture et inégalités à l’école – Esquisse d’un curriculum invisible
Presses Universitaires de Rennes, 2018, 201 p, 24 euros

Maître de conférences en sciences de l’éducation à l’Université Paris Est Créteil, Julien Netter avance dans cet ouvrage l’idée que la culture à l’école peut amener un bénéfice à l’élève mais qu’elle est insuffisante s’il n’y a pas, en complément, une certaine culture de l’école.

Le propos intéressera les didacticiens de la géographie car la discipline y est convoquée en exemple par deux fois. Une séance sur la localisation des principales villes de France en CE2 est convoquée pour montrer de nombreux implicites, le recours à des outils et du matériel peu maitrisés (passage d’un type de carte à une autre, correction difficile des localisations par le biais de l’image satellite), une volonté de ne pas infléchir le cours de la séance pour les élèves à la peine. En parallèle est étudiée une séance d’origamis sur un temps périscolaire. A priori éloignée du champ de la géographie, cette activité n’a pas été sans similitude : une grammaire spéciale, un codage, une iconographie…mais une certaine structuration de l’espace. C’est fort de cette comparaison que l’auteur amène à parler de « microstructures » (percevoir et interpréter des signes graphiques, faire des mises en relation, développer des capacités d’abstraction…) qui, assemblées, amèneraient à façonner l’activité, son assise disciplinaire, la « conscience disciplinaire » en somme. Mais si les finalités de l’origami sont moins légitimes aux yeux du « système » (enseignants, parents, institution), elles ne le sont pas pour l’élève.

Citant Jean-Claude Forquin (2008), Julien Netter revient sur la classification des curriculum formel/prescrit (les programmes dans leur globalité), réel (ce qui est effectivement appris ou enseigné) et caché/implicite (ce qui est transmis sans que cela soit dit explicitement). Ces catégories étant inadaptées au monde périscolaire et à cette activité d’origami, l’auteur en arrive à parler de « curriculum invisible », de l’ordre de l’implicitement compris par les élèves (et même très exactement compris pour certains d’entre eux). Mais celui-ci est peu verbalisé, mesurable chez les élèves performants et pas vraiment chez les autres, il peut être considéré comme « la façon dont l’élève doit comprendre et s’approprier » le curriculum formel, une « fiction utile permettant de construire un tableau global de l’école ».

La géographie revient dans un second exemple qui pointe le hiatus entre carte et schéma, le schéma étant une abstraction qui ne parle qu’à l’enseignant et à certains élèves seulement. La séance analysée ici dans un CM1 portait sur les climats et révèle la confusion classique entre « temps (météo) » et « temps (physique) » mais aussi une autre entre « climat » et « climatisation ». L’élève pris dans cette seconde confusion ne sait pas s’en défaire n’étant pas à l’affut d’indices permettant une correction comme, par exemple, le recours à un tableau sur les données de températures préalable à la réalisation de la carte qui aurait permis de réaliser que le terme « climatisation » n’était pas le bon.


L’ouvrage gagne en généralité sur les deux derniers chapitres qui traitent du « bilinguisme scolaire » à travers l’exemple des sorties au musée. L’expression recouvre l’idée que l’on puisse passer d’une logique thématique (comme c’est le cas dans les sorties au musée) à une logique disciplinaire (ou l’inverse) pour en tirer bénéfice. Le problème est que ces aller-retours ne sont pas guidés, ce qui n’aide pas les élèves dont la culture de l’école est plus fragile. Ils doivent faire les passerelles par eux-mêmes. Finalement, comme le dit Julien Netter, « la culture à l’école est vouée à se plier à la culture de l’école ». C’est aussi du côté de la mise en forme institutionnel qu’il faut trouver des explications : l’ouverture culturelle au travers de la formule « visites clés en main » cloisonne les encadrants et les logiques thématiques et disciplinaires et n’est finalement pas profitable à tous.   

CR de lecture: Rupture 1 : les nouveaux territoires de l’école

Alain Boissinot et Philippe Clause (coordination)

Rupture 1 : les nouveaux territoires de l’école
Revue Administration et Education, n°162, 2019/2, 139 p, 20 euros

Depuis maintenant quatre décennies, la revue Administration et Education s’intéresse au système éducatif au travers des acteurs et de leurs pratiques et propose, dans ce n°162, un regard sur la dimension territoriale de l’école.

L’idée générale contenue dans ce numéro et qui ressort dans plusieurs contributions tient à l’aspect récent de ces relations entre école et territoire et qui s’explique par le caractère national de toute l’histoire du système éducatif français.

Il parait difficile de passer sous silence l’étude des caractéristiques régionales et locales des structures scolaires et ce, à une époque où on ambitionne de réorganiser les territoires en fonction des pratiques scolaires. Est-ce seulement possible ?

Le numéro propose des analyses selon différents angles d’attaque.

La typologie des espaces en est une et la dichotomie urbain/rural, quoi qu’on dise sur cette vieille distinction, montre que les problèmes ne sont pas du même ordre. La grande ruralité est très attachée au maintien des services sur place. Les résultats des élèves en fin de collège peuvent être moindres qu’en zone urbaine par endroits. Le territoire y apparait comme une ressource.

La focale choisie est également un prisme qui permet d’apprécier le contenu des analyses pour le géographe : le niveau fin des IRIS de l’INSEE, la micro échelle des espaces scolaires dans leur architecture et leur agencement, les nouveaux contours des plus vastes régions académiques.

Le regard, rétrospectif ou prospectif, sur les politiques menées est enfin riche d’enseignements : les spécificités de l’internat au travers de la question centrale du recrutement, les rythmes scolaires au travers des inégalités de l’offre périscolaire et du partage des espaces, la géographie des espaces de la formation initiale.

Du grain à moudre pour les géographes, qu’ils soient didacticiens pour se saisir de ces thématiques pour illustrer l’apprentissage de la discipline ou plus aménageurs pour en tirer des leçons de portée plus générale. Comme l’évoque l’un des contributeurs, Marc Bablet, IA-IPR, au sujet de la politique d’éducation prioritaire, la réponse n’est pas tellement territoriale mais sociale et s’il y avait un peu plus de mixité en générale, cette politique serait-elle encore nécessaire ?

Sommaire


Les territoires de l’école
Nouveaux lieux, nouveaux espaces
Magali HARDOUIN, Rémi ROUAULT
Les territoires de l’école vus par l’économiste
Denis CLERC
Nouvelles régions, nouvelles intercommunalités : qu’en disent les géographes ?
Jean-François THÉMINES
Des territoires de l’école aux territoires éducatifs : menace ou opportunité pour l’école ?
Choukri BEN AYED
L’école rurale, entre tensions territoriales et enjeux scolaires
Ariane AZEMA, Marie-Blanche MAUHOURAT

Interactions
Capacités territoriales, échelles et acteurs : la dimension spatiale de la réforme des rythmes scolaires (2013-2017)
Jean-François THÉMINES, Anne-Laure LE GUERN
Collèges d’Île-de-France et quartiers d’implantation, un archipel hétérogène
Hugo BOTTON, Jean-François CHESNÉ, Virgile MILETTO
Des espaces pour apprendre : le cas de l’école élémentaire
Viviane BOUYSSE
Quelle vision moderne de l’internat ?
Anne-Marie ROMULUS
L’éducation prioritaire entre social, pédagogique et territoire
Marc BABLET

Nouveaux espaces, nouvelles pratiques
Une école du socle à Serres
Philippe MAHEU
Les territoires de l’école : enquête dans l’académie de Besançon
Annie TOBATY
La Haute-Saône : espace de ségrégation de la Franche-Comté ?
Stéphanie LIBERT
La communauté de communes à compétence scolaire : un nouveau territoire pour piloter le premier degré d’enseignement
Philippe CLAUS
Les académies : du centralisme napoléonien aux « régions académiques »
Alain BOISSINOT
Les nouvelles « Régions académiques » : débats et enjeux
Questions à Jean Louis Nembrini