Le Grand Palais accueille une
exposition du 18 janvier au 17 février 2012 : il s'agit de 16 plans-reliefs de villes françaises du XVIIe au XIXe siècle. Ces plans-reliefs, maquettes historiques de villes fortifiées, constituent un ensemble commencé sous Louis XIV à partir de 1668 et enrichi jusqu’en 1873. Fabriquées dans un premier temps pour des besoins militaires, ces maquettes au 1/600 permettaient, à travers la représentation des fortifications et de leurs environs, de préparer minutieusement les opérations de guerre.
En France c'est Louis XIV qui imposa les plans en relief pour représenter les points stratégiques qu'étaient les villes frontières (Strasbourg, Besançon, Grenoble, Brest...) : véritables plans en 3D avant la lettre, ils permettaient d'évaluer les failles en défense. Ces maquettes sont devenues de plus en plus grandes, au fur et à mesure de l'accroissement de la portée des canons (la plus grande, celle de Cherbourg, atteint 160 m2).
Cette exposition est la première réalisée par la Maison de l’histoire de France, avec le concours de la Réunion des Musées Nationaux–Grand Palais et le partenariat scientifique du musée des Plans-reliefs. Elle s’inscrit dans la mission première de la Maison de l’histoire de France qui est de porter à la connaissance d’un large public le patrimoine historique français. L'exposition ne manque pas d'anecdotes et d'aspects ludiques, comme cet habile jeu de miroirs qui démultiplie les perspectives, tandis que des longues vues permettent au visiteur de se prendre pour Napoléon perché sur une colline !
Pour l'occasion,un site a été spécifiquement créé sur Internet :
http://www.lafranceenrelief.fr
Outre des explications et des repères historiques, il est possible d'y
télécharger des fichiers en 3D pour affichage dans Google Earth. Une interface Google Maps permet de visualiser les données à télécharger. Tous les plans ne sont pas disponibles, mais on a déjà de bons aperçus.
Voyage immersif à travers la "Liquid Galaxy" présentée par Google (les modèles 3D des plans en relief ont été rendus dans Google Sketch-up) :
Voyons maintenant ce que cela donne dans Google Earth, par exemple pour le port de Saint-Tropez
Ou pour la ville de Strasbourg :
Avec un degré de résolution assez élevé qui permet d'avoir une vue précise des bâtiments :
Sur le même site, il est possible d'avoir accès à des vues paysagères permettant des comparaisons avec aujourd'hui. Par exemple, une estampe montrant un embarquement au port de Brest et le port moderne complètement reconstruit après la deuxième guerre mondiale (voir la
source) :
La cartographie numérique ouvre une nouvelle vie pour ces plans-relief dont certains ont près de 500 ans, c'est-à-dire bien avant l'invention de la carte d'Etat-major ! « Cartes en trois dimensions », les plans-reliefs ont nécessité, dès les commencements, l’utilisation des meilleurs systèmes cartographiques.
Pour tout savoir sur les relevés de terrain, l'échelle choisie, les matériaux utilisés pour la maquette, nous vous conseillons d'aller voir cette mise au point très intéressante sur
les techniques de réalisation.
Un
dossier pédagogique (fichier PDF) est mis à disposition pour les enseignants avec des pistes d'activités par niveau de classe.
Emission Planète Terre (France Inter) consacrée au thème "La France mise en relief : le choix des cartes" accompagnée d'un
billet de Globe donnant un petit historique des expositions de cartes de France IGN géantes.
Extraits de l'émission :
4 m 20 s
"Cette cartographie, qu'elle soit plane ou en relief, est née par les militaires pour les besoins de la fortification. Elle est apparue avec la fortification bastionnée à partir du début du XVIe siècle où pour la première fois, pour des besoins défensifs, les ingénieurs militaires qui concevaient ces fortifications avaient besoin d'appréhender mentalement non seulement les fortifications elles-mêmes, mais aussi le territoire environnant des villes, puisque tout était calculé en fonction des portées de tirs d'artillerie. Et là contrairement à ce qui se passait au Moyen Age, on avait vraiment besoin d'inscrire les fortifications dans leur territoire, et donc par là-même de cartographier ce territoire, pour en avoir une représentation pour concevoir ces fortifications. Donc d'abord une cartographie morcelée de plans de ville, après une cartographie un peu plus large de région, et après, mais beaucoup plus tardivement, une cartographie générale de la France...
L'échelle qui a été choisie, 1 pied pour 100 toises soit environ 1/600e, permettait de représenter à la fois l'ensemble des fortifications, les bâtiments et les façades, à l'intérieur des villes, mais aussi la campagne environnante."
5 m 45 s
"On a l'impression de voir les mosaïques établies par l'IGN dans les années 1980 avec les premières images transmises par les satellites Landsat américains d'observation de la Terre. C'est une carte qui date du milieu du XIXe, qui a la particularité d'être un assemblage des dessins originaux qui étaient en fait des aquarelles réalisées par les officiers d'Etat-major qui portaient les couleurs conventionnelles (le vert pour les forêts, le bleu pour l'hydrographie, le rouge pour le bâti, le noir pour le relief). Ce sont d'une part des oeuvres d'art, d'autre part elles sont d'une richesse beaucoup plus grande que l'authentique carte d'état-major qui va en être dérivée puisque, à l'époque, on ne savait pas imprimer en couleur. Les cartes imprimées à partir de ces originaux vont être en noir et blanc, et donc perdre ce qui était jusqu'au XIXe siècle réservé aux reines et aux rois pour lesquels on coloriait les cartes de Cassini qui étaient de la génération précédente, c'est-à-dire du XVIIIe siècle...
Il y a un traitement uniforme pour l'ensemble de la France à l'échelle du 1/ 40 000e. Mais au départ les environs de Paris avaient été traités à l'échelle du 1/ 10 000e, donc beaucoup plus détaillé, quatre fois plus détaillé. Sauf qu'on s'est aperçu que cela allait prendre beaucoup de temps et coûter beaucoup d'argent. Dans un 2e temps, on a fait des levers au 1/ 20 000e sur les frontières de l'est, puisque c'est là que l'ennemi était à nos portes. Et puis dans un 3e temps, pour arriver à terminer la France dans un délai raisonnable, on a passé tout au 1 / 40 000e. Le résultat est là sous nos yeux : 25 mètres de Strasbourg à Brest et 25 m de Dunkerque à Perpignan. C'est la première fois qu'on assemble ces documents du XIXe siècle... Aujourd'hui on peut visionner toutes ces cartes et survoler le territoire en 3D sur le Géoportail, c'est assez impressionnant..."
16 mn 30 s
Quand on se promène sur la carte d'état-major, on constate un écart entre l'état des fortifications et l'état du réseau ferré qui lui date plutôt de la fin du XIXe, alors que la topographie peut être du début du XIXe siècle...
C'est comme cela qu'il y a une représentation de Paris sans fortifications, sur une carte levée et dessinée vers 1820 (les fortifs datent de 1840). Par contre on voit le chemin de fer de petite ceinture, qui fait le tour de la ville de Paris de l'époque, qui lui a été construit dans la réalité après les fortifications... Pour faire la mise à jour des cuivres, on a reporté l'information ferrée sur les dessins originaux qui ont permis ensuite aux graveurs de faire la mise à jour partielle des cartes qui allaient être imprimées et diffusées à un grand nombre d'exemplaires... Cette anecdote illustre une chose bien connue : toute carte est une représentation et ce n'est pas parce que c'est représenté que c'est vrai."
20 mn 10 s
"Ces plans-relief étaient accompagnés de mémoires qui décrivaient avec précision les formes des champs, la nature des cultures, les forêts qui étaient potentiellement une réserve importante mais aussi là où une armée attaquante pouvait se dissimuler. Toutes ces informations sur l'agriculture, sur la topographie, sur les cours d'eau est figurée minutieusement aussi pour des besoins stratégiques (il fallait nourrir l'armée)."
25 mn 05 s
"Après avoir numérisé les plans en relief (ceux de l'exposition et ceux de la Maison des plans-relief), ils ont intégré ces plans numérisés en 3D dans Google earth... Ce qui est déroutant, c'est que les plans-relief ont été incrustés sur la carte du territoire français actuel. C'est totalement anti-scientifique, mais en même temps c'est très pédagogique ! Ce qui est assez magique dans Google earth, en superposant des cartes historiques et des cartes récentes, c'est que chacun peut faire sa carte. La différence entre la carte d'état-major, les vieilles cartes et aujourd'hui, c'est que chacun choisit son échelle, choisit sa thématique, superpose des informations et peut être complètement acteur de la géographie et ne plus être contraint par une légitimité de commanditaire, mais être soi-même son commanditaire selon ses propres besoins... Autrement dit la géographie, ça servait d'abord à faire la guerre, comme disait Yves Lacoste et on le voit bien dans cette exposition. Aujourd'hui on dirait que la géographie, ça sert à faire sa propre France. "
"Appréhender mentalement non seulement les fortifications elles-mêmes, mais aussi le territoire environnant des villes" : vue de Srasbourg et de son plan pays