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DE LA RECHERCHE A LA FORMATION

Nous avons créé ce blog dans l'intention de faire connaître les travaux de recherche en didactique de la géographie. Notre objectif est également de participer au renouveau de cette discipline, du point de vue de ses méthodes, de ses contenus et de ses outils. Plus globalement nous espérons que ce site permettra d'alimenter les débats et les réflexions sur l'enseignement de l'histoire-géographie, de l'école à l'université. (voir notre manifeste)

dimanche 22 septembre 2024

Education et durabilité : une nécessaire transdisciplinarité et un étayage par une didactique de la durabilité en vue d’une éducation au politique

 

Education et durabilité : une nécessaire transdisciplinarité et un étayage par une didactique de la durabilité en vue d’une éducation au politique

Jean-Marc Lange, université de Montpellier - Séminaire de rentrée – Master 2 – Lille – 18 septembre 2024

CR de Xavier Leroux

Professeur des universités à Montpellier, Jean-Marc Lange est au départ spécialisé en écophysiologie marine et relate le caractère très transdisciplinaire de l’océanographie. Il s’identifie comme un acteur de la didactique des sciences du vivant et non des SVT qui sont une construction institutionnelle du monde scolaire.

Il faut une responsabilité sociétale de l’éducation et de la formation. Déjà Emile Durkheim s’était penché sur la question en s’attachant, outre à cerner les normes sociales, à essayer de voir comment ces normes pouvaient s’adapter aux différentes générations successives (d’où la nécessaire éducation).

Jean-Marc Lange dresse ensuite un rapide historique de l’enseignement puis l’éducation à l’environnement (EE) jusqu’à l’éducation au développement durable (EDD), en prenant soin de préciser que les visées sont différentes à chaque étape. Actuellement, nous sommes sur une visée de citoyenneté politique (manifestations, grèves du climat, avec présence de personnalités comme Greta Thunberg).

S’ensuit la présentation du terme « anthropocène » issu des géosciences, du géochimiste Vernadski et du géochimiste Crutzen. On transforme la planète et 6 des 9 limites viennent d’être franchies. La question de l’habitabilité de la planète est posée, plus exactement de notre zone d’habilité qui se restreint.

En même temps, les sciences de référence évoluent et l’éducation ne peut pas l'ignorer.

L’enjeu de la durabilité est de prendre en compte la complexité du monde, de co-construire entre sciences et société, de transformer les modes de vie. Méthodologiquement, on cherche l’inter et la transdisciplinarité, des approches globales et intégrées. On hybride sciences de la nature et sciences sociales.

Il y a urgence pour gérer cette bifurcation. Jusqu’aux environs de 2050, on peut encore choisir le chemin qu’il faudrait suivre mais plus on approche de cet horizon, plus les choix se traceront d’eux-mêmes sans action forte.

L’EDD est cruciale. Elle fait partie d’autres « éducations à » qu’on peut nommer « éducations transversales ». Elles sont multiples et les chercheurs doivent dire si les objets de ces éducations sont passagers ou au contraire solidement ancrés.

« Education à » s’oppose à « enseignement de »…mais attention à ne pas être tenté de ne pas rejeter les savoirs et contenus disciplinaires…C’est le « rapport au monde » qui se joue ici et non le seul « rapport au savoir », sachant que le rapport au savoir est aussi un rapport au monde, aux autres et à soi (Bernard Charlot).

Les clarifications curriculaires sont nécessaires : il y a trois registres d’après Jean-Louis Martinand : le registre des missions et des finalités (pourquoi), le registre des stratégies des choix programmatiques, le registre didactique et pédagogique. D’où découlent les balises curriculaires qui reprennent ces axes (Lange et Victor, 2006).

Les finalités sont l’amélioration, l’atténuation, l’adaptation, la transformation…mais attention aux manipulations y compris dans les cours de lycée.

Cela débouche sur une logique de l’action (ce qui rejoint le « learning by doing » de John Dewey), mais c’est insuffisant. Il faut également comprendre les enjeux et s’appuyer sur des contributions disciplinaires (Lange, 2011). Il y a une relative facilité à le faire au primaire du fait de la polyvalence mais au secondaire, on se heurte au cloisonnement des disciplines.

Les « éducations à » constituent une rupture pédagogique : la centration se fait sur les pratiques sociales et non sur les savoirs (qui, gardons raison, restent nécessaires !), un pilotage par des actions participatives, une rupture épistémologique (passer d’un modèle « cumulatif » à une façon de penser les changements et de mener une action politique), une hybridation des savoirs et des démarches intégratives. Nous ne sommes pas sur des savoirs stabilisés, ils sont distribués, mouvants, probabilistes, sous influence (Cardot, 2011), il y a difficulté à dire le vrai du faux.

Il convient aussi de prendre en compte les savoirs locaux, les savoirs traditionnels qui sont riches et il est intéressant de les croiser avec des savoirs académiques. L’exemple de la neige chez les Inuits (qui voient de multiples nuances de blanc) ou de la forêt en Amazonie (qui voient de multiples nuances de vert) montre que les populations locales ont des connaissances plus fines. On a fui ces savoirs vernaculaires par le passé, on les recherche maintenant.

Cela nécessite de tenir compte également de la complexité et de mobiliser des savoirs dans plusieurs disciplines : cela peut passer par des ilots multiréférentiels, des ilots de rationalité ou de légitimité. Les disciplines sont complémentaires. Il faut pour cela favoriser les pratiques contributives et des savoirs contributifs (Joël Lebeaume).

Jean-Marc Lange illustre son propos par un exemple de démarche en Sciences de l’Education et de la Formation autour de l’engagement. Dans l’état de l’art, on retrouve généralement le mythe du désengagement des jeunes (ils ne sont pas véritablement désengagés), le sentiment d’efficacité personnel, la confiance dans les institutions pour agir, les inhibitions fondamentales qui aboutissent à l’éco-anxiété (si l’éco-inquiétude est normale, l’éco-anxiété est inhibitrice). Derrière cela, il y a en réalité plusieurs théories de l’engagement. On peut ainsi rechercher l’établissement d’un indice d’engagement et dégager des figures de l’engagement des jeunes (spectateur réflexif, acteur, paradoxal, auteur, doute…). Jean-Marc Lange montre alors tout l’intérêt des analyses socio-discursives de discours.

Sa conclusion invite à mixer « l’agir » (favoriser les actions participatives), le « comprendre » (conduire des enquêtes d’investigation sur les enjeux) et le « connaître » (faire appel aux disciplines).

Une très belle conférence, limpide et roborative pour cette rentrée 2024-2025 !

A signaler la parution du "Dictionnaire critique des enjeux et concepts des éducations à" (nouvelle édition), co-dirigé par Angela Barthes, Jean-Marc Lange et Céline Chauvigné : https://didageo.blogspot.com/2024/03/nouvelle-edition-du-dictionnaire.html

Références :

Jean-Marc Lange, Patricia Victor. Didactique curriculaire et « éducation à… la santé, l'environnement et au développement durable » : quelles questions, quels repères ?. Didaskalia (Paris), 2006, ⟨10.4267/2042/23954⟩⟨hal-01699624⟩

Jean-Pierre Cardot. Formateurs d'enseignants et éducation à la santé : analyse des représentations et identité professionnelle. Education. Université Blaise Pascal - Clermont-Ferrand II, 2011. Français. ⟨NNT : 2011CLF20010⟩⟨tel-00751865⟩

 

 

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