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DE LA RECHERCHE A LA FORMATION

Nous avons créé ce blog dans l'intention de faire connaître les travaux de recherche en didactique de la géographie. Notre objectif est également de participer au renouveau de cette discipline, du point de vue de ses méthodes, de ses contenus et de ses outils. Plus globalement nous espérons que ce site permettra d'alimenter les débats et les réflexions sur l'enseignement de l'histoire-géographie, de l'école à l'université. (voir notre manifeste)

jeudi 13 mars 2014

Résumé de l'intervention de Chantal Déry



Séminaire La fabrique de la géographie scolaire - 23 octobre 2013

L’enseignement de la géographie au Québec : peut-on parler d’une « société distincte »?
Chantal Déry, professeure en didactique des sciences humaines, Université du Québec en Outaouais

 Cette présentation se veut le regard qu’une didacticienne de l’histoire porte sur l’état actuel de l’enseignement de la géographie au Québec. Bien que ce regard puisse paraitre particulier, il faut savoir que dans les universités francophones québécoises il n’y a actuellement qu’un seul didacticien de la géographie qui a un poste de professeur ce qui explique mon intérêt pour le sujet. Par ailleurs, comme il se fait très (trop) peu de recherche en didactique de la géographie en contexte québécois, les propos de cette présentation seront essentiellement basés sur mes observations personnelles.  
1-     Les programmes de géographie au Québec
Depuis 2001, année de mise en place des nouveaux curriculums au Québec, l’histoire et la géographie font partie du domaine de l’Univers social (US), ce domaine étant l’un des cinq qui compose le Programme de formation de l’école québécoise (PFEQ). Avec l’arrivée de la réforme, en plus de la mise en place d’une approche par compétences, le programme de géographie est devenu plus social. Certains aspects de la géographie physique ayant migré vers le domaine des sciences, la géographie enseignée est maintenant essentiellement culturelle et humaine et a notamment pour finalité d’amener l’élève à comprendre les enjeux liés aux territoires.

Dans le parcours de l’élève, la géographie est d’abord enseignée au 1er cycle primaire (élèves de 6-8 ans) par l’entremise d’une compétence visant le développement des concepts de temps, d’espace et de société. Par la suite, aux 2e et 3e cycles (élèves de 9 à 12 ans) le programme de Géographie, histoire et éducation à la citoyenneté (GHEC)[1] vise le développement de trois compétences dans lesquelles le concept de territoire est central. Malgré la place du « territoire » dans la formulation de chaque compétence et la présence de techniques géographiques dans le programme de GHEC, on constate dans les pratiques en classe que la géographie est « noyée » dans l’enseignement de l’histoire. Devant cette situation, le Ministère de l’éducation des loisirs et des sports (MELS) a mis sur pied un petit groupe de travail pour réfléchir à des pistes de revitalisation de la géographie au primaire. À l’heure actuelle, nous sommes dans l’attente de leurs conclusions.

Alors qu’au primaire la géographie est intégrée dans un programme avec l’histoire, au 1er cycle du secondaire (soit pour les élèves de secondaire 1 et 2 (12-14 ans)), elle fait l’objet d’un enseignement distinct et obligatoire (mais non certificatif). Encore une fois le programme[2] vise le développement de trois compétences, en plus de cibler cinq territoires types et 11 concepts principaux (voir tableau synthèse du contenu de formation, page suivante). Ce programme de géographie, qui s’étend sur deux années (sans que l’on précise ce qui doit être fait lors de la première et de la deuxième année du cycle), permet aux élèves d’aborder le Québec, le Canada et le monde, de cibler certaines techniques (comme le croquis géographique) et surtout d’étudier les enjeux et les acteurs.


Source PFEQ, domaine de l’univers social, programme de géographie, p. 316

 



Source : PFEQ, domaine de l’univers social, programme de géographie, p. 316

En 3e et 4e secondaire les élèves ne font pas de géographie, ils terminent toutefois leur cursus en 5e secondaire avec le cours obligatoire de Monde contemporain qui est un amalgame d’histoire, de géographie, de politique et d’économie[3]. Finalement, parallèlement à ce cours, il existe, depuis l’automne 2013, un cours optionnel de Géographie culturelle. Ce cours cible six grandes aires culturelles (arabe, occidentale, africaine, orientale, indienne et latino-américaine) et vise le développement de deux compétences, soit la lecture de l’organisation de l’aire culturelle et l’interprétation de son dynamisme. Actuellement l’offre et la demande pour ce cours semblent assez limitées, mais il faudra voir sur la durée!

2-     La formation des enseignants
Comme dans différents contextes nationaux, lorsque vient le moment de faire le portrait de la formation des enseignants, il faut distinguer la formation des enseignants du primaire de celle de ceux du secondaire.

Au primaire les enseignants sont avant tout des généralistes, ainsi, selon l’université fréquentée, ils auront reçu entre 3 et 6 crédits (sur une formation de 1er cycle universitaire qui en compte 120) de formation en didactique des sciences humaines (histoire et géographie). En plus d’une formation disciplinaire limitée, les formateurs sont davantage pédagogues et historiens que géographes. Résultat : la formation est souvent plus axée sur l’histoire et du même souffle les futurs enseignants conservent une vision assez limitée, voire caricaturale, de ce qu’est et peut-être l’enseignement de la géographie au primaire.
Au secondaire, alors qu’avant les années 1990 pour devenir enseignant de géographie il fallait minimalement 60 crédits universitaires en géographie, depuis les années 2000, et l’arrivée de la formation bi-disciplinaire, ce sont entre 15 et 30 crédits de géographie qui sont maintenant nécessaires. D’enseignant de géographie, les enseignants sont devenus enseignant d’US et la part de la géographie dans la formation initiale reflète la place que la discipline prend dans le parcours des élèves en US. En effet, comme il y a quatre années d’histoire et deux années de géographie c’est sans surprise que l’on retrouve deux fois plus de crédits disciplinaires en histoire qu’en géographie dans la formation des futurs enseignants.

Face à une formation initiale qui insiste somme toute peu sur la géographie, on pourrait penser que la formation continue en didactique de la géographie est bien développée. Or c’est loin d’être le cas! La formation continue de niveau universitaire est quasi absente, les conseillers pédagogiques dans les commissions scolaires qui soutiennent les enseignants en exercice sont présents pour offrir du support mais celui-ci est souvent limité en ce qui concerne la géographie. Il y a un congrès organisé annuellement pour les enseignants d’US mais encore une fois les ateliers offerts ciblent peu la géographie (à titre d’exemple, lors du congrès de 2013 sur une cinquantaine d’ateliers seulement deux ciblaient spécifiquement l’enseignement de la géographie). En marge de ces voies, il y a toutefois un réseau de soutien qui se développe, lequel prend notamment appuie sur le Groupe des Responsables en Univers Social (GRUS) et sur le site du RÉCIT de l’US (www.recitus.qc.ca), ce dernier proposant notamment des pistes d’activités pédagogiques.

 3-     Les pratiques didactiques
Sur la base des programmes en place et de la formation des enseignants quelle description peut-on faire des pratiques d’enseignement de la géographie au Québec? Tout d’abord il faut dire que les pratiques sont très diversifiées et qu’en l’absence de recherche sur cette question dans le contexte québécois, nous allons nous appuyer sur ce que nous observons en côtoyant différents enseignants du primaire et du secondaire.

Tout d’abord au primaire l’US est enseigné une heure par semaine, le plus souvent en prenant appui sur un manuel ou un cahier. Ainsi les pratiques mises en place par les enseignants sont très majoritairement magistrales et en ce qui concerne la géographie souvent limitées à de la localisation et de la description. Ainsi malgré la présence des trois compétences qui appellent un enseignement mettant l’accent sur l’interrelation territoire et société, les éléments liés au climat, à la végétation ou à l’utilisation d’une carte ou d’un atlas sont étudiés séparément et sans insister sur leur apport à une compréhension de « l’univers social ».

Au secondaire, alors que le programme appelle la mise en place de situations d’apprentissage complexes dans lesquelles on insiste sur le développement de compétences et le développement conceptuel, on remarque que la démarche se morcèle pour s’apparenter davantage à des exercices papier-crayon visant à compléter un cahier en perdant parfois de vue la globalité du projet. Actuellement il y a donc une assez forte prépondérance de l’approche magistrale mais ça et là on retrouve un enseignement axé sur la situation-problème qui persiste.

Ainsi alors que les programmes de géographie, au primaire et au secondaire, sont clairement marqués d’une ambition socio-constructiviste, les pratiques en classe sont souvent teintées de béhaviorisme, lequel caractérisait les anciens programmes (d’avant 2001).


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