Séminaire La fabrique de la géographie scolaire - 12 février 2014
Géographie scolaire en Allemagne - science sociale ou
science naturelle?
Olivier Mentz, Professeur,
Université des Sciences de l’Éducation, Freiburg, Allemagne
Si on parle de la géographie scolaire en
Allemagne il faut être conscient que l’on parle d’un système fédéral – ce qui
veut dire que l’on doit prendre en considération 16 systèmes scolaires
différents. De plus, l’éducation est quasiment le seul domaine, dans lequel
l’état fédéral n’a pas d’influence parce que les Länder possèdent une autonomie
absolue, garantie par la constitution, dans ce domaine. Seul la Conférence des
Ministres de l’Éducation des Länder a une fonction d’harmonisation, mais n’a
pas non plus de pouvoir décisif.
En règle générale, les systèmes éducatifs commencent
par un jardin d’enfants (non obligatoire) jusqu’à l’âge de 5 ans. A l’âge de 6
ans, l’enfant entre en école primaire qui dure 4 ans. Chaque gouvernement
régional dispose d’un système scolaire spécifique. Nous trouvons à ce niveau
des établissements scolaires similaires au collègue unique (-> Gemeinschaftsschule, Gesamtschule), des établissements
qui se différencient selon les aptitudes des élèves (Hauptschule Realschule, Gymnasium) ainsi que des établissements
scolaires spécialisés pour des élèves avec divers handicaps. Finalement, pour
atteindre le niveau bac, il faut avoir été scolarisé pendant au moins 12 ans et
avoir suivi une formation au Gymnasium.
La place de la géographie à l’école
Contrairement qu’en France, la géographie
n’a pas de statut garanti. Pour cette raison, sa place est constamment en
modification entre discipline isolée (ou plutôt autonome) et/ou approche interdisciplinaire.
Après des années pendant lesquelles la géographie avait un statut de discipline
autonome (Erdkunde, Geographie), la
demande d’une plus grande compréhension interdisciplinaire a mené les décideurs
scolaires à inventer des symbioses de disciplines créant ainsi des conglomérats
de disciplines plus ou moins utiles (p. ex. WZG : Welt-Zeit-Gesellschaft étant un mélange de géographie, d’histoire,
d’éducation civique ; EWG : Erdkunde,
Wirtschaftskunde, Gemeinschaftskunde étant un mélange de géographie,
d’économie, d’éducation civique).
La force de la géographie dans ce
développement dépend beaucoup de la puissance force des lobbys,
c’est-à-dire des associations géographiques dans les débats de création de
nouveaux programmes. Il faut aussi savoir que lors de chaque nouveau
développement de programmes, les heures hebdomadaires de la discipline sont à
nouveau à négocier – la géographie a ainsi perdu 2 heures de cours dans le
cursus scolaires dans les dernières 20 années.
Le développement des programmes de géographie
La géographie est une discipline
indépendante dans le système scolaire allemand depuis 1872. La fonction en
était de connaître sa patrie et sa région d’origine ainsi que le monde. Il
s’agissait d’une approche topographique, encyclopédique, additive, statique et
descriptive. Cette approche fut dominante jusque dans les années 1950. Il
s’agissait d’un apprentissage « en largeur » dénommé « länderkundlicher Durchgang ».
Dès les années 1950, le principe de
l’exemplarité prend le devant dans l’éducation. Ce changement de paradigme
oblige la géographie scolaire de modifier son approche. Il ne s’agira donc plus
d’apprendre tous les détails comme une encyclopédie, mais de favoriser un
apprentissage soi-disant « en profondeur ». On va donc constater que
tous les pays ou paysages peuvent être regroupés selon des types
(géographiques) particuliers. Sera donc choisi un pays/paysage représentant un
type et qui sera étudié en détail pour connaître ainsi tous les autres
pays/paysages de ce même type. Le Sahara représentera donc le type des déserts,
les Alpes le type des hautes montagnes.
En parallèle se manifeste un changement de
paradigme dans la science de la géographie. La géographie se socialise, devient
donc davantage science sociale et définit sept fonctions de raison d’être des
groupes sociaux (« Daseinsgrundfunktionen ») :
vivre en communauté, habiter, travailler, se ravitailler, s’éduquer, se
détendre, se déplacer. Ses sept fonctions influencent l’espace. Ce nouveau
paradigme en géographie va trouver son entrée dans les programmes
scolaires à la fin des années 1960 et annoncera le début du recul des contenus
de géographies physique dans les écoles allemandes.
Dans les années 1970, la psychologie
influence le développement de nouveaux programmes scolaires : il n’est
possible de motiver des élèves à apprendre quelque chose uniquement s’ils comprennent
pourquoi. Il faut donc définir clairement des objectifs cognitifs, affectifs et
instrumentaux pour l’apprentissage. Les curricula vont donc dorénavant être
différenciés selon les objectifs, les contenus, les méthodes, les médias ainsi
que les contrôles de connaissances. La géographie sociale a influencé les
contenus qui deviennent plus orientés vers les besoins futurs des élèves. Le
terme de « Raumverhaltenskompetenz »
prend son entrée ce qui veut dire que les élèves doivent être amenés à une
compétence d’agir dans l’espace.
Au début des années 1980, l’on aperçoit un
certain retour de la « Länderkunde »,
donc de cette approche thématique régionale du début du siècle.
Contrairement à l’approche « ancienne », ce renouveau est marqué par
l’influence des années 1950, donc le retour à l’exemplarité. La géographie
scolaire s’occupe alors d’aspects régionaux, structurés en sujets thématiques
ayant comme base un problème géographique à résoudre.
Au début des années 1990, l’importance de
l’apprentissage global et interculturel ainsi que l’éducation au développement
durable deviennent une obligation pour toutes les écoles et toutes les
disciplines. Ainsi, les programmes de géographies sont également touchés et
s’orientent dès ce moment davantage dans ces domaines.
Les études PISA ont été les derniers
moments, d’un changement de paradigme dans le système scolaire allemand. Vu que
les élèves allemands ne sont pas assez performants dans la vision des
décideurs, les programmes devront être définis selon des niveaux de compétences
à acquérir. On estime ainsi pouvoir élever le niveau des compétences des
élèves. Cependant, une difficulté persiste : les enseignants (à tous les
niveaux scolaires) ne savent pas si les compétences définies sont des compétences
maximales, moyennes ou minimales – d’où une différenciation des compétences
acquises selon les Länder, les types d’écoles, etc. Ces compétences sont
toujours définies pour la fin de chaque cycle scolaire de deux ans – c’est la
fin des programmes annuels.
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