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DE LA RECHERCHE A LA FORMATION

Nous avons créé ce blog dans l'intention de faire connaître les travaux de recherche en didactique de la géographie. Notre objectif est également de participer au renouveau de cette discipline, du point de vue de ses méthodes, de ses contenus et de ses outils. Plus globalement nous espérons que ce site permettra d'alimenter les débats et les réflexions sur l'enseignement de l'histoire-géographie, de l'école à l'université. (voir notre manifeste)

dimanche 7 octobre 2018

CR L’Information Géographique – Faut-il encore enseigner la géographie à l’école ?

Volume 82 – Septembre 2018
L’Information Géographique – "Faut-il encore enseigner la géographie à l’école ?"

 CR de Xavier Leroux

Sommaire du numéro
(éditorial et résumés à lire en ligne)

  • Introduction Faut-il encore enseigner la géographie à l’École ? - Sylvie Joublot Ferré - résumé
  • Pour une ethnographie des savoirs géographiques à l’école élémentaire - Alexandra Baudinault - résumé
  • Tomber dans la cour de récréation : La « bonne figure » à l’épreuve de l’espace - Muriel Monnard - résumé
  • Quand les albums parlent d’espace Enseigner la géographie avec le livre pour enfants - Christophe Meunier - résumé
  • Visages en ville, déambulations photographiques pour enseigner l’espace proche - Sylvie Joublot Ferré - résumé
  • Géographie scolaire et pensée de la complexité - Philippe Hertig - résumé
  • Former à l’enseignement d’une géographie renouvelée à l’école primaire. L’exemple des Lesson Study - Alain Pache, Sandrine Breithaupt, Julie Cacheiro - résumé
  • Le cheminement intellectuel et pratique d’un maître non spécialiste confronté à la préparation de séances de géographie au cycle 3 de l’école primaire - Philippe Charpentier - résumé
  • Regard sur la géographie enseignée à l’école primaire : Une étude de cas au cycle 3 - Anne Glaudel - résumé

Si au travers de l’éditorial de ce numéro (signé par Hervé Régnault), la revue L’Information Géographique se targue de « l’importance qu’elle accorde à l’enseignement et aux enseignants qui transmettent le goût de la géographie aux élèves » en consacrant chaque année un numéro aux concours de l’enseignement secondaire et en allant ici plus loin en proposant un opus réservé à l’école primaire (réalisation accompagnée par Michel Lussault), la formulation du titre « Faut-il encore enseigner la discipline ? » interpelle d’emblée : mépris envers le 1er degré, tout de même pas ; volonté de sonner provocateur et faire réagir, on peut l’espérer ; boutade maladroite assurément. Très certainement que nos collègues de 6ème n’ont pas de doute sur l’utilité d’enseigner l’habiter puisque son étude débute désormais en CM1 dans le cadre du nouveau cycle 3 et il est plus que probable qu’ils aimeraient que la géographie soit davantage investie à l’école primaire pour leur faciliter la tâche. Seulement la discipline n’est pas la priorité des professeurs des écoles et (parce que ?) l’accompagnement de son enseignement apparaît défaillant.

Les huit articles contenus dans ce numéro regorgent pourtant de pistes et de témoignages suscitant réflexion et inspiration pour répondre un « oui » franc à la question : il faut encore l’enseigner !

La géographie en primaire ne se résume pas au déterminisme, aux facteurs explicatifs et aux causalités simples mais a, comme dans le secondaire, droit à son lot de complexité (« complexe » ne veut pas dire « compliqué »), à un peu d’approche systémique et à quelques concepts forts, intégrateurs. Les nouveaux programmes nous y invitent naturellement en consacrant la prospective territoriale et les acteurs, deux points qui bouleverseront (ou pas) les habitudes des enseignants du primaire. Ces éléments, illustrés au travers de l’exemple du développement durable et appuyés par des apports bienvenus de travaux de la communauté scientifique germanophone, sont lisibles dans la contribution de Philippe Hertig qui permet de prendre la hauteur théorique nécessaire pour bien cadrer les choses.

Les autres textes relatent des expérimentations de classe basées sur des immersions in situ très variées dans leur mode opératoire : observation participante, entretiens semi-directifs et d’auto-confrotation, tests de séances, de séquences dans et à l’extérieur des classes.

Les contributions de Anne Glaudel, Philippe Charpentier et Alexandra Baudinault offrent un regard précieux pour cerner ce professeur des écoles non géographe devant enseigner la discipline. Une vraie terre de contrastes : des savoirs factuels peu en lien avec l’épistémologie de la discipline malgré une valorisation de sa finalité intellectuelle ; une volonté de se lancer dans la démarche d’investigation mais une difficulté à conserver les hypothèses des élèves lorsque la trame du travail, sécurisante, est déjà prête à l’avance ; un secours du manuel qui joue le double rôle de mise à niveau scientifique pour l’enseignant et de fournisseur de scénarios pédagogiques pour les élèves ; une tension entre l’usage du numérique et le recours aux activités matérielles plus traditionnelles (cartes coloriées à la main) qui structureraient mieux la pensée relative à l’espace.

La géographie dans la classe, ce peut être des méthodes nouvelles : la Lesson Study qui vise à préparer une leçon, à l’enseigner sous l’observation de ses pairs, puis à l’analyser pour enfin l’enseigner à nouveau dans une autre classe. C’est ce que Alain Pache, Sandrine Breithaupt et Julie Cacheiro ont testé sur les thèmes des aménagements spatiaux pour les animaux et de la filière production-consommation pour travailler davantage « avec » les enseignants que « sur » les enseignants et pour montrer que la géographie ne se recompose pas seulement au travers de ses contenus mais aussi de ses dispositifs. La géographie dans la classe, ce peut être aussi l’usage d’un objet familier, l’album jeunesse, dont la dimension spatiale peut être pleinement saisie pour développer des compétences spatiales chez les futurs citoyens que sont les élèves de primaire : Christophe Meunier fait l’hypothèse qu’une « transaction spatiale » viendrait à modifier les représentations et les comportements spatiaux du jeune lecteur.

La géographie peut également se pratiquer hors de la classe. A une échelle résolument micro, Muriel Monnard montre que l’espace scolaire (défini comme très fragmenté, fait de cohabitation contrainte et de convivialité) peut être investigué pour appréhender les métriques et mobilités de l’espace : à travers une « lutte des places » et des chutes accidentelles qui peuvent survenir lors des déplacements (dans la cour, dans les couloirs et les escaliers, en rentrant dans la classe…), les élèves conscientisent les notions de justice spatiale et d’aménagement de l’espace. A échelle intra-urbaine, l’analyse des visages visibles dans la ville (statues, affiches publicitaires) permet de s’appuyer sur un objet d’étude singulier pour revisiter la sortie de classe et lire l’espace : Sylvie Joublot Ferré montre qu’on peut y voir si celui-ci est majoré ou déprécié, s’il est genré, si des centralités se dessinent ou non…De quoi permettre aux élèves de se situer spatialement mais aussi socialement, culturellement et de quoi réinterroger la supposée familiarité des enfants avec leur espace proche.

Un numéro dont la lecture est roborative, mais qui appelle remarques et questions.

On pourra déjà s’étonner de l’absence d’appel à contributions pour le réaliser…

Sur la forme, il semble qu’une relecture globale du numéro aurait permis d’éviter diverses coquilles qui émaillent les textes par deux ou trois fois chacun en moyenne : orthographe, numérotation dans les figures, mauvais raccords bibliographiques ou références non reprises après appel.

Mais surtout, pour en revenir au titre, ne peut-on pas plutôt clore avec cet appel « comment / avec quels moyens (encore) enseigner la géographie à l’école » ? Dans un contexte où les dernières injonctions vont structurer les 18 heures de formation continue obligatoires autour des seuls domaines du français et des mathématiques et où les ateliers pédagogiques complémentaires ne traiteront que de la lecture, combien de professeurs des écoles liront ce numéro (au-delà de ceux rencontrés par les chercheurs ayant participé à ce numéro qui, espérons-le, feront parler de leur expérience) ? De ce fait, combien de « passeurs » dans les ESPE et Universités s’en saisiront en formation initiale ? La question se pose puisque, si toutes les interrogations posées dans les contributions peuvent apparaître (ou non) pertinentes aux yeux du chercheur, les situations et expérimentations qu’elles relatent ne sont pas d’une transposabilité identique du point de vue du praticien…surtout si celui-ci est débutant.



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