Colloque Eurogeo – Vendredi
30 septembre - Session GeoCapibility
Deux sessions de
communication ont été dédiées au projet GeoCapabilities. C’est un projet européen qui a pour objectif de fournir du matériel de formation des enseignants en vue de développer la
capacité de ces derniers à penser et à mettre en œuvre un curriculum en
géographie. Six communications ont présenté le cadre théorique du projet et leur
déploiement dans différentes contextes.
- Richard Bustin How useful is the concept of GeoCapability for geography teachers?
- Anke Uhlenwinkel Negotiating geographical thinking and political education through the GeoCapabilities approach
- David Lambert The ideal of a Future 3 Curriculum
- David Orbring Re-contextualising development in teaching school geography --Teachers’ story in Sweden and Chin
- Miao What’s the story? Recontextualizing internal urban structure in school geography using cases from China
- Gabriel Bladh Geography education and geographical knowledge practices
Le projet part d’un travail prospectif quant à l’avenir de l’enseignement
de la géographie. David Lambert identifie trois scénarios possibles qu’il
nomme "Future 1, 2 et 3". Le premier scénario est celui dans lequel
l’enseignement de la géographie reste centré sur des sujets et des
connaissances préalablement définis et qui sont une fin en soi. Ce sont des
savoirs coupés de la société. Le deuxième scénario est celui d’un enseignement
de la géographie coupé de son épistémologie, essentiellement centré sur la
construction des compétences transversales. Le troisième scénario est celui d’un
enseignement ayant une assise épistémologique solide mais qui est en prise avec
l’expérience des élèves et qui a pour finalité de les aider à comprendre le
monde. L’objectif du projet GeoCapabilities est de contribuer à l’avènement du
scénario 3.
Pour ce faire, le projet s’ancre dans la théorie d’Amartya Sen et de Martha
Nussbaum sur l’économie du bien-être humain. Une capabilité désigne la capacité
d’un individu à choisir son mode vie (pour en savoir plus sur la notion de Capabilité). Une GéoCapacité est la capacité de penser le
monde par le biais de savoirs géographiques.
« La notion
de GeoCapabilité clarifie le rôle que les savoirs et la pensée géographiques
jouent dans le développement d’une personne éduquée. C’est une personne qui a
la capacité de construire un point de vue sur le monde avec une assise
disciplinaire. Les savoirs géographiques nous aident à appréhender le monde à
travers l’expérience que nous en avons. » (Traduction Caroline Leininger –
octobre 2016- version française du glossaire de GeoCapalities)
Pour développer les GéoCapabilités chez les élèves, les enseignants sont
invités à identifier les Savoirs Disciplinaires Structurants (SDS) ou Powerful Disciplinary
Knowledg (PDK). « Un savoir
disciplinaire structurant est une forme de savoirs, souvent abstraite et
théorique qui permet à quelqu’un de
comprendre, d’interpréter et penser le
monde dans lequel il vit. Les SDS ont un ancrage dans l’épistémologie
disciplinaire. » (Traduction Caroline Leininger – octobre 2016-
version française du glossaire de GeoCapalities)
Les SDS peuvent être de nature différente. Il y a des SDS pour :
· Penser le monde. Ce sont des méta-concepts comme lieu, espace,
environnement, interconnexion… Pour analyser, expliquer et comprendre. Ce sont des concepts analytiques comme espace,
répartition spatiale etc. Ou bien des concepts explicatifs comme agglomération,
généralisation, modèle…
·
Pour développer la capacité d’empowerment des
étudiants.
·
Pour participer à des débats locaux, régionaux ou globaux.
La notion GeoCapabilité est une contre-proposition à la notion des
compétences. En effet, les pays anglo-saxons ont connu dans les années 2000 des
réformes curriculaires centrées sur les compétences mettant parfois au second
plan les savoirs disciplinaires. De la même manière qu’Amartya Sen ne fait pas
de liste de capabilités. Il n’y a pas de liste des GeoCapabilités. Ces dernières
visent à remettre les savoirs disciplinaires au cœur des apprentissages et à démontrer
que la géographie peut contribuer à la formation citoyenne des étudiants dans
une perspective d’empowerment (octroi de davantage de pouvoir et d'autonomie). C’est une manière de réaffirmer la place de la
géographie dans le concert des disciplines.
Lors du colloque, un participant a fait remarquer que toutes les autres
sciences sociales ont les mêmes revendications que la géographie. Les
capabilités ne sont pas disciplinaires. Richard
Bustin justifie la notion de GeoCapability en la présentant comme un cadre
pour aider les enseignants à se positionner et à positionner les contenus
enseignés sur un plan épistémologique. Sa réponse ne permet pas véritablement
de dépasser la contradiction interne à la notion de GéoCapabilité. Les
capabilités s’inscrivent dans une approche holistique, systémique et complexe
de l’éducation. Si nous saluons donc l’entreprise de légitimation de
l’enseignement de la géographie et la promotion d’une approche épistémologique
des apprentissages, nous pouvons sérieusement douter de la pertinence de définir
des capabilités spécifiques à la géographie. Par ailleurs, l’inscription des
capabilités dans un cadre disciplinaire implique une mise en forme scolaire,
qui conduit ou conduira à une liste de Geocapabilité à travailler et évaluer
comme les compétences, ce contre quoi le projet s’inscrit en faux.
Par ailleurs, la notion de savoir disciplinaire structurant est proche
d’autres tentatives de conceptualisation de la géographie scolaire comme les
propositions de Jean-François Thémines (Thémines, 2006) ou la notion de concepts intégrateurs (Hertig, 2009). La notion est également proche de celle
de Pedagogical content knowlegde.
Parler de SDS n’est donc pas novateur mais la pertinence de la notion découle
de son contexte d’émergence. Les propositions francophones ne sont pas diffusées
au sein de la géographie anglo-saxonne.
Finalement, les modules de formation présentés en workshop après les deux
sessions de communication permettent de développer des compétences
épistémologiques et réflexives chez qui sont indispensables dans la
professionnalisation des enseignants. C’est ce qui fait la richesse du projet.
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