"L'urbanisme, l'architecture et le jeu. Jouer pour mieux régner, avec ou sans l'égo ?" : tel était le programme des journées d'étude qui se sont déroulées à Lille les 12 et 13 décembre 2016, organisées par Maryvonne Prévot (TVES), Eric Monin (LACTH) et Nicolas Douay (UMR Géographie-Cités). La didactique de la géographie y était représentée respectivement par Frédérique Jacob (ESPE Lille) et Sophie Gaujal (académie Versailles), avec deux interventions portant l'une sur "t'es où cubo ?" et l'autre sur une sortie jeu dans la ville avec une classe de Première.
La première, "t'es où cubo", retraçait une expérience menée par Emilie Servais dans le cadre de son master MEEF. Visant à initier une classe de CE1 à l'analyse spatiale et aux notions de flux, maille, distance, échelle, le jeu "t'es où cubo", inspiré du jeu "GPS" conçu par Frédérique Jacob en 2004, consistait à faire trouver aux élèves le meilleur endroit où placer la poubelle dans la classe, puis dans la ville. Ainsi, lors de la première séance, chaque élève positionne sur un plan l'endroit où il souhaiterait placer la poubelle ; s'il la place à côté de sa table, il fait le choix de la maille. S'il fait le choix de la placer à côté de la porte, il fait le choix du flux. En comparant son choix avec celui des autres, il comprend que le choix de l'emplacement de la poubelle obéit à des lois, qui dépassent son intérêt particulier pour répondre à l'intérêt général : les déplacements collectifs, mais aussi celui de la femme de ménage qui doit vider la poubelle chaque jour. Même exercice pour la deuxième séance, sauf que cette fois-ci on change d'échelle : il s'agit de placer des poubelles dans le quartier. Et là encore, l'exercice aboutit à une prise de conscience : le choix de l'emplacement se fait en fonction de la densité de population et de l'accessibilité. Et en comparant avec la carte des "vrais" emplacements, surprise, les élèves se rendent compte que leur proposition n'est pas si éloignée de la réalité. A une ou deux exceptions près cependant, qui posent question : pourquoi certaines rues ne sont-elles pas équipées ? Décision est alors prise de s'adresser à la mairie pour la questionner sur le sujet. L'intervention de Frédérique Jacob s'est conclue par une mise en perspective sur le raisonnement géographique mis en oeuvre par la classe pour réaliser cet exercice. Un jeu très sérieux donc.
La deuxième intervention a été menée par l'auteure de ces lignes. Elle avait pour but de présenter une expérimentation menée avec une classe de Première, une sortie-jeu dans l'objectif d'apprendre à lire la ville. A la différence des sorties habituelles, qui tendent à reproduire hors les murs les pratiques de classe ordinaires, sous la forme de visites conférences ou sorties questionnaires mettant en valeur un savoir formel, il s'agissait ici de mobiliser un autre registre du savoir, le savoir d'expérience, pour pouvoir ensuite le retravailler en classe et l'articuler au savoir formel : un va-et-vient entre ce qu'on pourrait appeler une géographie spontanée et une géographie raisonnée. Pour cela différents jeux ont été proposés aux élèves : jeux d'écoute, roi du silence, colin maillard, cache cache ; différents jeux de l'attention visant à priver d'un sens et à en exacerber un autre, pour conduire les élèves, de manière ludique, à porter attention à leur environnement. Le jeu de cache-cache dans la cité du Pont de Sèvres permet ainsi de mesurer la dimension labyrinthique des lieux ; le jeu de colin maillard de comprendre les différents effets de dénivelés dans une cité organisée autour de l'urbanisme de dalle, le roi du silence pour porter attention aux sons, sons de circulation sur le pont de Sèvres et sons du quotidiens dans la cité. La conclusion porte sur la manière de quantifier les apprentissages mis en jeu. Que reste--t-il en effet de ce type de sortie "récréative" et comment le mesurer ? Une production réalisée par les élèves, une carte postale sensible du quartier, a alors été présentée, montrant quelques traces de l'hybridation du savoir permis par la sortie.