entete

DE LA RECHERCHE A LA FORMATION

Nous avons créé ce blog dans l'intention de faire connaître les travaux de recherche en didactique de la géographie. Notre objectif est également de participer au renouveau de cette discipline, du point de vue de ses méthodes, de ses contenus et de ses outils. Plus globalement nous espérons que ce site permettra d'alimenter les débats et les réflexions sur l'enseignement de l'histoire-géographie, de l'école à l'université. (voir notre manifeste)

lundi 5 décembre 2016

Le raisonnement géographique en lycée professionnel




Catherine Heitz, professeure de lettres-histoire- géographie
Pierre Colin, professeur de lettres-histoire- géographie

Le rapide historique des programmes de lettres-histoire-géographie de l’enseignement professionnel depuis 1995 nous permet de constater qu’une des finalités les plus prégnantes est la finalité civique. L’histoire géographie apparait comme la discipline la plus appropriée pour comprendre le monde dans lequel les élèves vivent et pour s’insérer au mieux dans celui-ci. La géographie sert aussi à « raisonner ». Le terme est récurrent dans les programmes depuis 1995 tant  dans les objectifs que dans les compétences, ce qui nous amène à questionner ce qu'est le raisonnement géographique du point de vue des programmes scolaires de lycée professionnel. Nous aborderons dans un premier temps, la manière dont les programmes scolaires  traitent depuis 1995 le raisonnement en géographie en lycée professionnel, ce qui nous amènera dans un second temps à analyser les tâches dévolues aux élèves dans ce cadre.

Raisonner pour devenir citoyen 

1)  Baccalauréat Professionnel.
Le programme de 1995 stipule que « l’enseignement de l’histoire géographie répond à une finalité commune : ouvrir l’esprit des élèves des apprentis et des adultes en formation à une compréhension du monde contemporain qui leur permette d’agir de façon  responsable. » Sont également mentionnées des capacités et attitudes qui « doivent leur permettre de se situer dans ce monde, de s’insérer dans la société contemporaine où ils vivent, de mieux comprendre les problèmes qui s’y posent d’exercer des droits et de respecter les devoirs de l’homme et du citoyen. » L’enseignement de la géographie en lycée professionnel vise d’abord et avant tout l’éducation à la citoyenneté. Pour ce faire, les élèves doivent acquérir des «  « savoir-faire » spécifiques et des méthodes de travail propre à l’histoire géographie dont élargir la maitrise des démarches intellectuelles de raisonnement (analyse, synthèse, conceptualisation…) ». Ici apparait le mot « raisonnement » qui procède de plusieurs opérations qui ne sont pas toutes énumérées.
Dans l’introduction du programme de géographie on note que le raisonnement géographique suivi prend pour base la compréhension de l’organisation spatiale des Etats et des grands ensembles économiques. 

« Le point de vue retenu par le programme de géographie est celui des Etats et des grands ensembles économiques définis sur une base territoriale dont il s'agit de comprendre l'organisation et le fonctionnement dans une perspective résolument dynamique ».
Cette introduction permet également de percevoir la méthode de raisonnement géographique voulu par les concepteurs du programme à savoir une entrée par les notions.
« L'entrée par les notions est retenue comme celle qui favorise le mieux l'analyse de situations géographiques diverse tout en respectant la liberté de choix des enseignants ».
Il s’agit «   d’initier les élèves, les apprentis et les adultes en formation au raisonnement géographique en prenant comme facteur d’analyse les changements d’échelles. Le verbe « initier » montre que c’est par petites touches ou plus exactement par différentes tâches que l’élève entre dans le raisonnement géographique.
Les nouveaux programmes de 2009 sont consécutifs à une réforme majeure au lycée professionnel : celle du Bac Pro 3 ans. Ce programme est présenté dans le Bulletin Officiel spécial n°2 du 19/02/2009

Dans l’introduction on remarque que la rubrique « finalités » a disparu mais qu’elles sont tout de même évoquées. La finalité première n’étant plus de comprendre le monde mais de comprendre les hommes.
Comme dans les programmes précédents la finalité civique prime : « La géographie pourra ainsi être pratiquée comme une discipline nécessaire à l'intelligence du monde et utile pour inciter les élèves à un engagement citoyen fondé en raison. »

Ces nouveaux programmes font appel à un autre type de raisonnement géographique :
« Se placer à un autre point de vue, qui doit développer la curiosité, inciter aux rapprochements et aux comparaisons, donner envie dans l’espace et dans le temps, de mieux connaître et donc de mieux comprendre les hommes dans leur diversité et leur universalité ».
Dans l’introduction du programme de géographie, on retrouve la « compréhension du monde » des programmes de 1995 avec une indication sur le raisonnement géographique à créer avec les élèves : l’étude des territoires.
« Le programme de géographie vise à faire mieux comprendre le monde à travers l’étude des territoires ».
Dans ces nouveaux programmes l’approche par un raisonnement multiscalaire est toujours préconisée.
« L'articulation nécessaire des échelles pour comprendre les réalités géographiques »
Enfin on note que le mot « raisonnement » a disparu de ces programmes et on remarque surtout que le raisonnement préconisé est porté par les « situations ». Dans l’introduction des ressources pour faire la classe les situations sont définies comme suit : « Une situation renvoie à la singularité du fait étudié, permet de poser des questions nouvelles, invite à la comparaison. » Les situations sont imposées,  cependant  l’enseignant à la possibilité de proposer une situation qui lui semble pertinente pour compléter une séquence. Une situation peut être considérée comme une étude de cas, elle génère alors une démarche inductive. Cependant l’enseignant a la liberté de placer la situation en début, milieu ou fin de  séquence. Le terme situation permet une utilisation applicable aux deux disciplines : histoire, géographie, en éducation civique, désormais Enseignement Moral et Civique les termes de « sujets possibles » sont préférés à celui de « situation » car ces sujets doivent simplement illustrer le thème et non proposer aux élèves de raisonner comme lors des situations.  

2)  Certificat d’Aptitude Professionnelle. 

En 2002,  l’histoire géographie a été réintroduite en CAP. « Les programmes d'histoire et de géographie ont pour ambition première de contribuer, au sein de l'enseignement général, à ouvrir l'intelligence des élèves, des apprentis et des adultes en formation à une compréhension du monde d'aujourd'hui. […] donner à tous les candidats des éléments forts de culture commune qui leur permettront d'être autonomes dans leurs choix et leurs opinions et d'exercer une citoyenneté responsable. » Nous retrouvons la finalité civique toujours prégnante dans l’enseignement professionnel. 

Le terme de raisonnement apparait clairement dans ces programmes : il s'agit de «construire un raisonnement argumenté pour expliquer la situation, l’évolution les enjeux. Les démarches mises en œuvre en histoire et en géographie pourront ainsi, en collaboration avec les autres disciplines et enseignements, concourir à la recherche permanente du sens, ainsi qu'à l'exercice du raisonnement et de l'esprit critique ». La démarche n’est pas tout à fait la même qu’en BAC pro. II ne s’agit plus d’une initiation mais bien de la construction par les apprenants d’un raisonnement mené et validé par un contrôle en cours de formation (épreuve du CAP). Ce constat est paradoxal puisque les exigences attendues en termes de raisonnement semblent plus fortes en CAP qu’en Bac Pro. 

De nouveaux programmes de CAP entrent en vigueur en 2010, à la suite de la réforme du Bac Pro on cherche à uniformiser l’enseignement de l’histoire-géographie dans les deux diplômes.  Ce programme est présenté dans le Bulletin Officiel n°8 du 25/02/2010 et introduit comme suit : «  la plupart des thèmes étudiés ont été maintenus, certains intégralement, d'autres avec une formulation plus précise et un champ historique et géographique plus étendus. D'autres thèmes ont été introduits, offrant des thématiques nouvelles aux curiosités des enseignants et des élèves. Afin d'harmoniser la présentation des programmes de l'enseignement professionnel, le programme se décline en trois colonnes : les « Sujets d'étude » comportant chacun trois  « Situations », et pour chaque Situation des « Orientations et Mots-clés. » Chaque sujet d’étude propose une interrogation sur un champ de connaissance dont les grandes lignes sont définies par les orientations et les mots clés. » Ce nouveau programme insiste en préambule sur les acquis des élèves sur lesquels l’enseignant doit s’appuyer. 

L’ensemble des thèmes traités en géographie en CAP le sont également en Bac Pro. Le raisonnement induit est alors le même que dans les programmes de Bac Pro de 2009, qui laissent une large place aux situations en terme de lieu du raisonnement géographique.
Enfin le mot « raisonnement » apparait dans ces programmes mais il est présenté comme n’étant pas spécifique aux disciplines histoire et géographie mais commun à l’ensemble des disciplines scolaires : « le renforcement de capacités, […] beaucoup se croisent avec les autres disciplines et concourent, notamment, à la maîtrise de l'écrit et de l'oral et à l'exercice du raisonnement et de l'esprit critique ».

Raisonner : une succession de tâches

Comme nous avons pu le voir dans les nouveaux programmes de Bac Pro et de CAP le terme de « raisonnement » est presque absent des programmes et des fiches ressources. Il est seulement mentionné une fois dans les capacités et compétences qui accompagnent le programme et est libellé comme suit : « produire un raisonnement relatif à la situation étudiée ».
Néanmoins le raisonnement est induit par la démarche préconisée : celle des situations. Ces études de cas permettent de donner du sens aux connaissances vues dans les objets d’études. En effet, ces situations favorisent la mise en place d’une pédagogie active ancrée dans le concret. Ainsi « produire un raisonnement relatif à la situation étudiée » propose d’assimiler le raisonnement à une argumentation.
On remarque que les compétences et capacités sont toutes annoncées en géographie par des verbes d’action :
Localiser une situation par rapport à des repères : pays, continent, domaine bioclimatique
Lire différents types de cartes
Décrire une situation géographique
Caractériser une situation géographique
Expliquer le contexte, le rôle des acteurs et les enjeux de la situation étudiée
Mémoriser et restituer les principales connaissances et notions
Utiliser un vocabulaire spécifique
Confronter des points de vue et exercer un jugement critique
Produire un raisonnement relatif à la situation étudiée


On peut  en déduire que le raisonnement géographique apparait en creux comme  le résultat d’une succession de tâches. Le raisonnement géographique semble être la capacité des élèves à mobiliser de manière combinatoire savoirs (disciplinaires, commun à plusieurs disciplines et  spontanés) et savoir-faire (disciplinaire,  commun à plusieurs disciplines et spontanés)


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire