Catherine
Heitz, professeure de lettres-histoire- géographie
Pierre
Colin, professeur de lettres-histoire- géographie
Le rapide historique
des programmes de lettres-histoire-géographie de l’enseignement professionnel
depuis 1995 nous permet de constater qu’une des finalités les plus prégnantes
est la finalité civique. L’histoire géographie apparait comme la discipline la
plus appropriée pour comprendre le monde dans lequel les élèves vivent et pour
s’insérer au mieux dans celui-ci. La géographie sert aussi à « raisonner ». Le
terme est récurrent dans les programmes depuis 1995 tant dans les objectifs que dans les compétences,
ce qui nous amène à questionner ce qu'est le raisonnement géographique du point
de vue des programmes scolaires de lycée professionnel. Nous aborderons dans un
premier temps, la manière dont les programmes scolaires traitent depuis 1995 le raisonnement en
géographie en lycée professionnel, ce qui nous amènera dans un second temps à
analyser les tâches dévolues aux élèves dans ce cadre.
Raisonner pour devenir citoyen
1) Baccalauréat Professionnel.
Le programme de 1995 stipule que « l’enseignement de l’histoire géographie
répond à une finalité commune : ouvrir l’esprit des élèves des apprentis
et des adultes en formation à une compréhension du monde contemporain qui leur
permette d’agir de façon
responsable. » Sont
également mentionnées des capacités et attitudes qui « doivent leur
permettre de se situer dans ce monde, de s’insérer dans la société
contemporaine où ils vivent, de mieux comprendre les problèmes qui s’y posent
d’exercer des droits et de respecter les devoirs de l’homme et du
citoyen. » L’enseignement de la géographie en lycée professionnel vise
d’abord et avant tout l’éducation à la citoyenneté. Pour ce faire, les élèves
doivent acquérir des « « savoir-faire » spécifiques et des
méthodes de travail propre à l’histoire géographie dont élargir la maitrise des
démarches intellectuelles de raisonnement (analyse, synthèse,
conceptualisation…) ». Ici apparait le mot
« raisonnement » qui procède de plusieurs opérations qui ne sont pas
toutes énumérées.
Dans l’introduction
du programme de géographie on note que le raisonnement géographique suivi prend
pour base la compréhension de l’organisation spatiale des Etats et des grands
ensembles économiques.
« Le point de vue retenu par le programme de
géographie est celui des Etats et des grands ensembles économiques définis sur
une base territoriale dont il s'agit de comprendre l'organisation et le
fonctionnement dans une perspective résolument dynamique ».
Cette introduction
permet également de percevoir la méthode de raisonnement géographique voulu par
les concepteurs du programme à savoir une entrée par les notions.
« L'entrée par les notions est retenue comme
celle qui favorise le mieux l'analyse de situations géographiques diverse tout
en respectant la liberté de choix des enseignants ».
Il s’agit « d’initier
les élèves, les apprentis et les adultes en formation au raisonnement
géographique en prenant comme facteur d’analyse les changements d’échelles. Le
verbe « initier » montre que c’est par petites touches ou plus
exactement par différentes tâches que l’élève entre dans le raisonnement
géographique.
Les nouveaux
programmes de 2009 sont consécutifs à une réforme majeure au lycée
professionnel : celle du Bac Pro 3 ans. Ce programme est présenté dans le
Bulletin Officiel spécial n°2 du 19/02/2009
Dans l’introduction
on remarque que la rubrique « finalités » a disparu mais qu’elles
sont tout de même évoquées. La finalité première n’étant plus de comprendre le
monde mais de comprendre les hommes.
Comme dans les
programmes précédents la finalité civique prime : « La géographie
pourra ainsi être pratiquée comme une discipline nécessaire à l'intelligence du
monde et utile pour inciter les élèves à un engagement citoyen fondé en
raison. »
Ces nouveaux
programmes font appel à un autre type de raisonnement géographique :
« Se placer à un autre point de vue, qui doit
développer la curiosité, inciter aux rapprochements et aux comparaisons, donner
envie dans l’espace et dans le temps, de mieux connaître et donc de mieux
comprendre les hommes dans leur diversité et leur universalité ».
Dans l’introduction
du programme de géographie, on retrouve la « compréhension du monde »
des programmes de 1995 avec une indication sur le raisonnement géographique à
créer avec les élèves : l’étude des territoires.
« Le programme de géographie vise à faire
mieux comprendre le monde à travers l’étude des territoires ».
Dans ces nouveaux
programmes l’approche par un raisonnement multiscalaire est toujours
préconisée.
« L'articulation nécessaire des échelles pour
comprendre les réalités géographiques »
Enfin on note que le
mot « raisonnement » a disparu de ces programmes et on remarque
surtout que le raisonnement préconisé est porté par les
« situations ». Dans l’introduction des ressources pour faire la
classe les situations sont définies comme suit : « Une situation renvoie à la singularité du
fait étudié, permet de poser des questions nouvelles, invite à la
comparaison. » Les situations sont imposées, cependant
l’enseignant à la possibilité de proposer une situation qui lui semble
pertinente pour compléter une séquence. Une situation peut être considérée comme
une étude de cas, elle génère alors une démarche inductive. Cependant l’enseignant
a la liberté de placer la situation en début, milieu ou fin de séquence. Le terme situation permet une
utilisation applicable aux deux disciplines : histoire, géographie, en
éducation civique, désormais Enseignement Moral et Civique les termes de « sujets
possibles » sont préférés à celui de « situation » car
ces sujets doivent simplement illustrer le thème et non proposer aux élèves de
raisonner comme lors des situations.
2) Certificat d’Aptitude Professionnelle.
En 2002, l’histoire géographie a été réintroduite en
CAP. « Les programmes d'histoire et
de géographie ont pour ambition première de contribuer, au sein de
l'enseignement général, à ouvrir l'intelligence des élèves, des apprentis et
des adultes en formation à une compréhension du monde d'aujourd'hui. […] donner
à tous les candidats des éléments forts de culture commune qui leur permettront
d'être autonomes dans leurs choix et leurs opinions et d'exercer une
citoyenneté responsable. » Nous retrouvons la finalité civique
toujours prégnante dans l’enseignement professionnel.
Le terme de
raisonnement apparait clairement dans ces programmes : il s'agit de «construire
un raisonnement argumenté pour expliquer la situation, l’évolution les
enjeux. Les démarches mises en œuvre en histoire et en géographie pourront
ainsi, en collaboration avec les autres disciplines et enseignements, concourir
à la recherche permanente du sens, ainsi qu'à l'exercice du raisonnement et
de l'esprit critique ». La
démarche n’est pas tout à fait la même qu’en BAC pro. II ne s’agit plus d’une
initiation mais bien de la construction par les apprenants d’un raisonnement
mené et validé par un contrôle en cours de formation (épreuve du CAP). Ce
constat est paradoxal puisque les exigences attendues en termes de raisonnement
semblent plus fortes en CAP qu’en Bac Pro.
De nouveaux programmes de CAP entrent en vigueur en 2010, à la suite de
la réforme du Bac Pro on cherche à uniformiser l’enseignement de
l’histoire-géographie dans les deux diplômes.
Ce programme est présenté dans le Bulletin Officiel n°8 du 25/02/2010 et
introduit comme suit : « la plupart des thèmes étudiés ont
été maintenus, certains intégralement, d'autres avec une formulation plus
précise et un champ historique et géographique plus étendus. D'autres thèmes
ont été introduits, offrant des thématiques nouvelles aux curiosités des
enseignants et des élèves. Afin d'harmoniser la présentation des programmes de
l'enseignement professionnel, le programme se décline en trois colonnes :
les « Sujets d'étude » comportant chacun trois « Situations », et pour chaque
Situation des « Orientations et Mots-clés. » Chaque sujet d’étude
propose une interrogation sur un champ de connaissance dont les grandes lignes
sont définies par les orientations et les mots clés. » Ce nouveau
programme insiste en préambule sur les acquis des élèves sur lesquels
l’enseignant doit s’appuyer.
L’ensemble des thèmes traités en géographie en CAP le sont également en
Bac Pro. Le raisonnement induit est alors le même que dans les programmes de
Bac Pro de 2009, qui laissent une large place aux situations en terme de lieu
du raisonnement géographique.
Enfin le mot « raisonnement » apparait dans ces programmes
mais il est présenté comme n’étant pas spécifique aux disciplines histoire et
géographie mais commun à l’ensemble des disciplines scolaires : « le
renforcement de capacités, […] beaucoup se croisent avec les autres disciplines
et concourent, notamment, à la maîtrise de l'écrit et de l'oral et à l'exercice
du raisonnement et de l'esprit critique ».
Raisonner : une succession de
tâches
Comme nous avons pu le voir dans les nouveaux programmes de Bac Pro et
de CAP le terme de « raisonnement » est presque absent des programmes et des fiches
ressources. Il est seulement mentionné une fois dans les capacités et
compétences qui accompagnent le programme et est libellé comme suit : « produire
un raisonnement relatif à la situation étudiée ».
Néanmoins le raisonnement est induit par la démarche préconisée : celle
des situations. Ces études de cas permettent de donner du sens aux
connaissances vues dans les objets d’études. En effet, ces situations
favorisent la mise en place d’une pédagogie active ancrée dans le concret. Ainsi
« produire un raisonnement relatif à la situation étudiée » propose
d’assimiler le raisonnement à une argumentation.
On remarque que les compétences et capacités sont toutes annoncées en
géographie par des verbes d’action :
Localiser une situation par rapport à des repères : pays, continent, domaine bioclimatique
Lire différents types de cartes
Décrire une situation géographique
Caractériser une situation géographique
Expliquer le contexte, le rôle des acteurs et les enjeux de la situation étudiée
Mémoriser et restituer les principales connaissances et notions
Utiliser un vocabulaire spécifique
Confronter des points de vue et exercer un jugement critique
Produire un raisonnement relatif à la situation étudiée
Localiser une situation par rapport à des repères : pays, continent, domaine bioclimatique
Lire différents types de cartes
Décrire une situation géographique
Caractériser une situation géographique
Expliquer le contexte, le rôle des acteurs et les enjeux de la situation étudiée
Mémoriser et restituer les principales connaissances et notions
Utiliser un vocabulaire spécifique
Confronter des points de vue et exercer un jugement critique
Produire un raisonnement relatif à la situation étudiée
On peut en déduire que le
raisonnement géographique apparait en creux comme le résultat d’une succession de tâches. Le
raisonnement géographique semble être la capacité des élèves à mobiliser de
manière combinatoire savoirs (disciplinaires, commun à plusieurs disciplines
et spontanés) et savoir-faire
(disciplinaire, commun à plusieurs
disciplines et spontanés)
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