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DE LA RECHERCHE A LA FORMATION

Nous avons créé ce blog dans l'intention de faire connaître les travaux de recherche en didactique de la géographie. Notre objectif est également de participer au renouveau de cette discipline, du point de vue de ses méthodes, de ses contenus et de ses outils. Plus globalement nous espérons que ce site permettra d'alimenter les débats et les réflexions sur l'enseignement de l'histoire-géographie, de l'école à l'université. (voir notre manifeste)

lundi 5 décembre 2016

Le raisonnement en géographie dans les programmes du collège



Céline Leguen, certifiée d’histoire-géographie

             
Depuis 1996, la géographie scolaire s'est transformée. Autant par les thèmes abordés que par les démarches initiées par les programmes, nous pouvons parler d'un changement instauré en 2009  qui s'accentue à travers les nouveaux programmes de 2015.

1996 : Mémoriser pour raisonner

            La question du raisonnement n'est pas centrale dans le programme de 1996. L'introduction au programme précise ainsi les finalités de l'enseignement de la géographie :  « La pratique de l'histoire et de la géographie contribue à former l'intelligence active. Apprendre aux élèves à lire et à identifier, c'est-à-dire à reconnaître et à nommer, puis à organiser ce qu'on a appris à reconnaître, et enfin à construire quelques phrases pour donner sens aux éléments rassemblés, exerce le jugement critique et raisonnable. » Le raisonnement y apparaît en filigrane comme une perspective à l’issue de l’apprentissage des localisations et des caractéristiques des espaces.

Dans le programme de la classe de 6e, les deux axes principaux sont l'apprentissage des repères fondamentaux et la compréhension des paysages. L'étude de documents est le vecteur du raisonnement permettant aux élèves d'acquérir « les bases d'une culture géographique ». Dans ce sens l'étude de paysage est largement préconisée afin de permettre aux élèves de comprendre « la complexité des phénomènes géographiques » et de « susciter la réflexion des élèves ». Il est aussi mentionné la nécessité de  faire travailler les élèves en autonomie afin qu'ils aient de « bref[s] moment[s] de réflexion ». Le professeur doit préparer son travail en problématisant afin de montrer aux élèves un « raisonnement construit ». Le raisonnement est donc à la charge de l’enseignant et l’objectif premier est l’acquisition de connaissances par les élèves.

Dans le cycle central, 5e et 4e, on trouve peu de références au raisonnement géographique. Les  rares indications précisent  qu’il faut  « décrire et expliquer les caractères essentiels des continents”, "croiser les données pour éviter de s'en tenir à la démarche analytique", “observation raisonnée des paysages”. Néanmoins, dans les exemples de mise en œuvre nous retrouvons des pistes de travail sur le raisonnement des élèves en géographie. Par exemple, en  5ème l'Afrique est abordée de manière descriptive et non problématisée. Seule la conclusion ouvre sur une dimension réflexive : « On peut, enfin, dans un troisième temps s'interroger sur les difficultés actuelles de l'Afrique et la permanence des conflits : s'expliquent-elles par les structures de la démographie et de l'économie ? La dépendance extérieure ? La fragilité des sociétés post-coloniales et de certains Etats ? » Nous le voyons, le raisonnement est réduit à la portion congrue des programmes face à la mémorisation, car comme ceux-ci l'indiquent : «  La nécessité [est] d'entraîner la mémoire des élèves car « comprendre ne suffit pas ».

2008 : Changement de perspectives

            Les programmes de 2008 marquent un changement dans la géographie scolaire. Tout d'abord, de nouveaux  thèmes sont abordés comme l’habiter en 6ème, le développement durable en 5ème ou la mondialisation en 4ème, sous l’impulsion de la demande sociale et politique ou du renouvellement de la géographie universitaire. Par ailleurs, les finalités mises en avant par ces programmes évoluent : « [..] développer chez les élèves la connaissance du monde qui les entoure, […] leur fournir les éléments et les outils nécessaires à sa compréhension, […] leur permettre de s'y situer et d'y agir ».

De nouvelles démarches de travail sont alors introduites : « Cette approche renouvelée met au centre des préoccupations la prise en compte de l'échelle à laquelle un phénomène se déroule et s'observe du local au mondial ». Les élèves deviennent acteurs de la construction de leurs connaissances à travers des démarches réflexives. Dans les capacités du programme, le couple expliquer/ décrire apparaît dès la 6ème et devient systématique en 3ème. Il s’agit d’« initier [les élèves] au raisonnement géographique et historique ». En effet, le vocabulaire utilisé dans le corps du programme est significatif : « expliquer », « caractériser », « différencier », « identifier », « confronter », « s'interroger », « échelles », « acteurs », « enjeux », « dynamiques ». Ce vocabulaire montre que la démarche du professeur n'est plus de présenter son propre raisonnement aux élèves, mais bien d'apprendre aux élèves à raisonner par eux-mêmes. La démarche inductive est mise en avant, notamment à travers l'étude de cas qui « invite à un parcours intellectuel qui articule le particulier au général » et qui a pour finalité « la découverte de la diversité et de la beauté du monde, la mise en œuvre du raisonnement géographique (systémique et multiscalaire), la maîtrise progressive des capacités du programme (localiser, situer, décrire, expliquer), l'acquisition d'un savoir transférable utile dans le quotidien d'aujourd'hui et de demain. »

Les aspects civiques et intellectuels sont donc au centre des finalités du programme. Il s'agit de former des citoyens capables de raisonner sur l'espace qui les entoure.

2015 : Raisonner pour apprendre

            Les programmes de 2015 s’inscrivent à la fois dans la continuité des précédents et en rupture sur la hiérarchie des apprentissages visés. Dans la continuité, les programmes conservent une approche par compétences et les notions comme celle d’habiter en 6ème, de développement durable en 5ème ou de mondialisation en 4ème. En rupture, la sixième passe en cycle 3 qui finissait jusque-là en élémentaire. Les programmes commencent par la définition des compétences à acquérir pour chaque cycle. Le raisonnement figure désormais parmi les compétences visées en cycle 3 et 4. Il s’agit de « raisonner, justifier une démarche et les choix effectués ». Le raisonnement défini comme compétence est de nature plutôt hypothético-déductive. Raisonner, c’est « poser des questions […], construire des hypothèses d’interprétation […], vérifier des données et des sources, justifier une démarche, une interprétation ». Le programme de géographie quant à lui, propose une démarche qui reste inductive par le biais notamment de l’étude de cas qui reste la seule démarche prescrite. Il y a donc un écart entre le raisonnement en tant que compétence à acquérir et le raisonnement en tant que démarche intellectuelle mobilisée en classe de géographie.

La démarche prospective est introduite. Le programme du cycle 4 poursuit la démarche de former les élèves à raisonner, qui doit être au centre des apprentissages : « Ils introduisent un nouveau rapport au futur et permettent aux élèves d’apprendre à inscrire leur réflexion dans un temps long et à imaginer des alternatives à ce que l’on pense comme un futur inéluctable. C’est notamment l’occasion d’une sensibilisation des élèves à la prospective territoriale. En effet, l’introduction d’une dimension prospective dans l’enseignement de la géographie permet aux élèves de mieux s’approprier les dynamiques des territoires et de réfléchir aux scénarios d’avenir possibles ». Aussi, l'apprentissage du raisonnement géographique devient clairement la finalité de cet enseignement au collège et les enseignants ne doivent pas rentrer dans l'exhaustivité des thèmes : « Compte tenu de l’ampleur des thèmes abordés, les professeurs doivent faire les choix nécessaires pour que l’initiation des élèves aux questions traitées leur soit accessible. Il s’agit en particulier de privilégier ce qui permet aux élèves de maîtriser progressivement les bases de l’analyse géographique des espaces, de différentes échelles, du lieu au monde, que les sociétés humaines construisent. »


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