Vient de s’achever le congrès des géographes allemands qui s’est tenu du 20 au 22 septembre à Francfort sur le Main. C’est l’occasion rêvée de poser une regard anthropologique naïf d’une didacticienne française sur la didactique de la géographie allemande.
Tout d’abord, les géographes français n’ont pas d’équivalent à ce colloque bisannuel qui réunit toutes les branches de la géographie dont la didactique fortement représentée. Environ 70 communications, panels, poster ou conférences étaient dédiées à la didactique de la géographie ce qui montre la place de la didactique en Allemagne et la présence d'une communauté scientifique nombreuse. En effet, chaque université a au moins un poste de professeur en didactique de la géographie pour assurer la formation des enseignants.
Les recherches développées balaient des thèmes larges comme le montre la figure ci-dessous.
Figure 1 Mots clés des sessions, panels et conférences en didactique de la géographie
La production et l’usage de ressources occupe une place importante dans les recherches présentées notamment les ressources numériques au sens large : applications, excursions virtuelles, paysages sonores, réalité augmentée etc. Généralement, les recherches explorent de nouveaux usages ou de nouvelles ressources et leur apport en terme d’apprentissage. Au cœur des préoccupations figurent le développement de compétences sociales des élèves et l’exploration du concept d’espace. L’éducation au développement durable (EDD) est le second point focale du colloque. Le changement climatique et les mobilités sont au cœur de nombreuses communications. Le concept d’ « éducation à » n'existe pas dans la didactique allemande comme dans la sphère anglo-saxonne . Néanmoins une des communications proposait de fonder les principes d’une éducation à la mobilité, pensée comme partie prenante de l’EDD. Le dernier axe majeure du colloque porte sur la l’éducation transformatrice qui a donné lieu à de vives débats notamment lors d’une symposium. Les thématiques traitées sont proches de celles majoritaires dans la Geography education (recherche en didactique dans le monde anglo-saxon).
Il est étonnant pour une didacticienne française qu'une partie non négligeable des communications soit théorique. Les communications basées sur une démarche empirique relèvent majoritairement d’une démarche quantitative avec un pré-test et un post-test sur des cohortes relativement importantes (souvent entre 150 et 200). En revanche les expérimentations se focalisent souvent sur un dispositif technique court, sans prendre compte ce qui a été fait en amont et en aval dans le cours par l’enseignant. Les liens avec le curriculum prescrit ne sont pas abordés, peut-être parce qu'il existe un programme scolaire différent dans chaque Land. La prédominance des méthodologie quantitative s'explique également par les contraintes juridiques relatives à la RGPD qui sont appliquées dans la recherche en Allemagne. Il est en effet très difficile pour les chercheurs d’aller dans les classes et de collecter des données personnelles des élèves. Cela requiert des autorisations du comité éthique de l’université et l'accord des autorités scolaires ce qui prends souvent plus d’un an. La prédominance des méthodes quantitatives est aussi un élément culturel. L'approche quantitative est perçue comme plus scientifique.
Les différences entre la recherche en didactique en France et en Allemagne sont flagrantes. A l'heure de la mondialisation de la recherche, cela questionne. La construction de la recherche en didactique est souvent considérée comme aliéné au contexte national car dépendante des programmes et des injonctions institutionnelles. En réalité, ce n'est pas tant le contenu des programmes qui rend difficile l'ouverture du champ de recherche à l'international, c'est la manière même de penser la recherche. Les recherches menées en France sont souvent directement pensées en lien avec des chapitres spécifiques du programme ce qui contextualise les contenus de la recherche et la rend peu audible, visible et utile au-delà de l'espace temps des programmes. En Allemagne, la communauté est un peu plus ouverte à l'internationale (cf les références bibliographiques citées) que la communauté française. Néanmoins, la frontière entre la Geography education et la didactique de la géographie allemande reste palpable. Cette frontière est juste plus perméable que celle entre la didactique française et la Geography education.
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